Les Kellerman sont excités comme des puces. Ils quittent leur paisible domicile de l'Idaho pour un voyage éclair à destination de New-York. George (Jack Lemmon) doit y passer un important entretien d'embauche, qui conditionnerait l'avenir tout entier de la famille.


New-York leur tend les bras, et c'est emprunt d'une certaine nervosité qu'il annonce le programme des réjouissances à sa compagne Gwen (Sandy Denis). Tout est réglé comme du papier à musique : Waldorf astoria, dîner au Four seasons etc...


Sauf que tout ne va pas se passer comme prévu. Enfin RIEN ne va se passer comme prévu, et sans détailler les péripéties traversées par le couple, on ne saurait mettre uniquement sur le dos du sort les innombrables infamies que l'entière ville de New-York va faire subir à ce couple même pas sympathique.


Car George est insupportable, toute contrariété réveille son ulcère et le fait empoigner un petit papier dans lequel il consigne les noms de ceux qui "s'opposent" à lui. Il salive à l'idée de leur faire payer leur impudence grâce à des contacts haut placés. Un vrai con, comme on en a déjà tous rencontré. Quant à la patience de sa femme, elle confine plus à une forme de bêtise passive qu'à autre chose.


Bref, un couple antipathique + une accumulation de galères = Un cadre comique parfait, et un engrenage qui l'est tout autant. La tension débute dès le menu proposé dans l'avion et ne retombera qu'à la dernière seconde. Une comédie incroyablement rythmée, pour ne pas dire stressante où l'on se délecte des poisses qui ne manquent pas de s'abattre à une cadence métronomique sur ces deux provinciaux perdus dans une féroce jungle new-yorkaise.


L'abattage de Jack Lemmon est monstrueux, sous une tension perpétuelle il mouille la chemise pour arracher un rire par minute. Sandy Denis, habituée aux rôles de dépressive chez Altman (Reviens Jimmy Dean reviens) ou de psychopathe (That cold day in the park) est étonnante, et même hilarante avec sa voix traînante et son regard perdu dans le vide, un peu comme si elle essayait de déchiffrer une langue inconnue inscrite dans les airs tout autour d'elle.


On pourrait se dire que la mécanique de Neil Simon va s'émousser, que l'accumulation va rendre le propos prévisible et vain, mais il n'en est rien. La temporalité et les nombreuses rencontres farfelues dans la nuit new-yorkaise font même penser à After Hours.


Et à la fin du film, on est forcé de se dire que ce savoir-faire ne se rencontre plus trop. Oser mettre en scène deux personnages aussi antipathiques pendant 1h30 sans s'en excuser, et sans faire de longues minutes pour exposer leur humanité est absolument impossible en 2022. Car désormais quand un personnage est antipathique, il faut dire pourquoi il est comme ça, et il faut qu'il obtienne le pardon du spectateur, toujours placé dans le rôle du confesseur ou d'entité morale supérieure. C'est pas le cas ici, et il est très rafraîchissant d'éviter le prêchi-prêcha surtout dans une comédie.


Une aventure qui fait passer les embûches surmontées par Snake Plissken dans New-York 1997 pour une paisible excursion de centre aérée. Une comédie injustement méconnue en France.

Negreanu
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le 9 mars 2022

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