Qui aurait cru revoir la frimousse de la petite Esther sur un écran de cinéma treize ans après le film ayant révélé sa véritable nature grâce à un twist final rentré dans les mémoires ? Dans un prequel qui plus est ? Avec la même Isabelle Furhman aujourd'hui âgée de vingt-cinq ans ? Personne sans doute. Mais, miracle du cinéma oblige, nous voilà à découvrir les événements en amont de l'adoption de l'usurpatrice psychopathe atteint d'une forme particulière de nanisme par une gentille famille américaine en 2009...

De l'aveu même de la comédienne, ce projet de prequel est né du retentissement autour d'une affaire de 2013 aux États-Unis très proche de l'histoire du film de Jaume Collet-Serra (une enfant de neuf ans soupçonnée d'être une adulte par ses parents adoptifs) et dont les médias du monde entier se sont évidemment emparés en en soulignant les similarités, preuve qu'"Esther" et le fameux twist sur sa petite héroïne malfaisante entretiennent toujours une forme de fascination sordide dans l'inconscient collectif bien des années après sa sortie.

Par l'odeur alléché de nouveaux dollars à amasser, des producteurs ont donc cru bon de ramener Esther sur le devant de la scène sous prétexte de nous dévoiler les origines du personnage. Seulement avec une actrice désormais adulte (et dont il aurait très difficile de faire oublier le visage marquant), le pari semblait impossible. "Pas grave, si on a réussi à faire croire qu'une petite fille de douze ans en avait trente-trois, on peut bien faire l'inverse, non ?" se sont-ils apparemment dits. Ainsi, par l'intermédiaire d'artifices artisanaux (l'actrice est filmée essentiellement par des plans s'arrêtant à sa taille, doublée par une enfant lorsqu'on la voit en intégralité de dos, éclairée de manière à faire paraître son visage plus lisse, etc), une Esther censée être plus jeune de quelques années par rapport à celle de 2009 a pu voir le jour en 2022. Bien sûr, si vous venez de revoir le premier film avant celui-ci (comme l'auteur de ces lignes), le subterfuge est flagrant, on s'amuse même à déceler toutes les astuces de mise en scène en ce sens mais, à vrai dire, "Esther 2: Les Origines" est tellement plus risible sur d'autres aspects en termes de crédibilité qu'on peut se permettre de fermer les yeux là-dessus et accepter cette jeune-Esther-qui-ne-le-paraît-pas-tant-que-ça plutôt facilement.


Dans un univers grisâtre flouté à faire piquer les yeux, le film nous ramène donc comme promis à une Esther encore internée en Estonie et qui va s'évader pour, cette fois, prendre l'identité de l'enfant disparue d'une famille américaine.

Même si elle n'est guère surprenante, de la découverte de l'asile à l'arrivée de la "petite fille" dans la famille, la première partie de "Esther 2: Les Origines" n'est pas désagréable, rappelant assez bien le caractère déterminé et sans pitié de sa psychopathe tout en jouant avec le statut d'adulte aujourd'hui connu derrière les traits poupons d'Esther.

Mais, et quelque part c'est une chose louable, le film va vouloir éviter d'être une simple redite du précédent et va tenter un énorme coup de poker pour casser la dynamique identique dans laquelle il semblait vouloir s'embarquer avec l'intégration d'Esther au sein de cette famille. Écho délibéré à l'impact de la surprise finale du premier film, ce retournement de situation n'est pas si bête dans l'idée, susceptible de fragiliser Esther sur le terrain de son propre mode opératoire, mais on le voit arriver à des kilomètres (du moins, dans la direction où il va naître par opposition au précédent) et, que ce soit dans sa révélation ou les conséquences qui s'ensuivent, son exécution est juste catastrophique.

Là où des rapports de force particulièrement vicieux auraient pu naître de ce nouvel état de fait, William Brent Bell et son scénariste David Coggeshall (les auteurs du précédent sont seulement à l'origine de cette histoire) se contenteront toujours du minimum, tirant sur des ficelles à chaque fois plus grossières les unes que les autres, rendant leurs personnages au mieux improbables au pire totalement stupides (le père est une andouille de concours), et, c'est peut-être la pire insulte qu'on puisse faire à ce prequel, jusqu'à faire perdre une partie de son aura si particulière à Esther en la noyant dans un conflit toujours plus inintéressant. Incapable de tirer quoi que ce soit de fou de cette situation, Bell préférera expédier rapidement le tout dans un affrontement final encore plus vain que le reste (et dont les contours ont en plus déjà été évoqués dans le film de Collet-Serra), comme un dernier coup de pelle sur le retour d'Esther enterré dans l'inutilité la plus totale.


Déjà incapable de donner une suite un tant soit peu correcte à ce qui était considéré comme son film le moins mauvais ("The Boy"), le nom de William Brent Bell aura donc réussi le tour de force d'être associé à une autre ratée d'un film bien plus réussi que toutes ses œuvres, en partie grâce au don naturel du bonhomme de rendre insipide tout ce qui peut se passer devant sa caméra. Et, on le répète, le rebondissement autour duquel s'articule "Esther 2: Les Origines" n'était pas si mal pensé dans le fond mais l'addition d'une écriture incapable d'en exploiter le potentiel sinon par l'exagération la plus ridicule et d'une mise en scène dépourvue de la moindre audace auront hélas transformé le plaisir de retrouver Esther et sa comédienne (toujours excellente) en un sentiment de rendez-vous manqué qui perdure bien au-delà du générique de fin. À oublier.

RedArrow
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le 17 août 2022

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