Le deuxième volet de la trilogie du dollar suit un principe qui ne cessera jamais dans la filmographie de Leone : celui de l’expansion. Tout ce qu’annonçait le matriciel premier opus s’épanche ici, et explosera dans Le bon, le brute et le truand et Il était une fois dans l’Ouest.
La vision du monde reste donc la même : les hommes sont des brutes, et la loi de l’ouest est celle d’une jungle dans laquelle on trouverait de l’alcool et des biftons. Porté par une galerie de personnages aux trognes mémorables, iconisés par la sueur et la poussière, le récit passe avec bonheur de la bosse de Kinski au regard de fouine de Cleef, de la folie habitée de Volonté au mutisme ravageur d’Eastwood.
Leur échange procède sur un principe fondamental : l’intimidation. Les discours n’ont point d’effet, seul le culot compte : le saloon est ainsi un champ de bataille silencieux où l’on jauge l’ennemi et sa capacité à encaisser la provocation la plus ostentatoire. L’arme absolue à y joindre sera le temps : c’est parce qu’il attend que le tireur gagne, de même que c’est dans la dilatation que Leone emporte toute l’attention admirative pour son personnage.
La quête en elle-même est simplissime : celle d’un casse (qu’on aura présenté dans la chaire d’une église) et de la convoitise du magot, qui ne cesse de reculer à mesure qu’on l’approche, derrière un mur, dans un meuble, un coffre, un nouveau coffre, des sacs... Différer l’avènement pour accroitre le plaisir. Mais parce que le monde est cruel et les hommes avides, le récit compose une partition qui joue sur un motif récurrent, celui du renversement. Associations et trahisons, infiltrations et reconnaissance jalonnent un parcours semé de savoureuses embûches.
Souvent, le plan d’ensemble se déplace en travelling pour faire entrer dans le champ un flingue ou un personnage de dos qui vient remettre en question l’équilibre de la scène : c’est la toute la jubilation cinématographique de Leone, qui s’en donne à cœur joie.
C’est aussi bien entendu par son recours à la musique qu’il donne la pleine puissance de son cinéma : le thème à la guimbarde, le pendentif et sa mélodie lancinante, tout participe du même procédé de l’amplification, vers l’orchestration symphonique.

Du plan fixe aux mouvements circulaires, du regard perçant à la composition des plans larges, Leone ne parle que d’une chose : son plaisir à filmer. Ses personnages sont les héros de l’ouest par leur capacité à enlever les chapeaux ou cueillir des pommes avec leur flingue ; force est de constater que leur chef d’orchestre vise tout aussi juste, et avec le même panache.

Bonus track :
« Suite de « Pour une poignée de dollars ». C’est un peu moins mauvais, mais que c’est long. Leone, le réalisateur le plus surfait du siècle ».
(Alain Paucard dans le Guide des films de Jean Tulard.)

http://www.senscritique.com/liste/Cycle_Clint_Eastwood/685412

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le 6 déc. 2014

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Sergent_Pepper

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