Souvenons-nous, et regardons un bon vieux Pedro. Puisque les récents de chez Almodovar, ne sont pas franchement affriolants. Et il faut retenir la leçon, car la grâce l’habitait toujours de son étreinte, a une époque pas sI lointaine. Une magistrale leçon de mise en scène. Du grand de chez Almodovar. Une histoire en spirale, avec flash-back comme pompe à essence dans le moteur, des personnages attachants...Difficile de parler de cette histoire qui n’en est pas une. Une histoire d’amour contrariée, une de plus de chez Pedro. Un prétexte pour parler de cinéma, faire un film dans le film, un tour de magie.
On voit plusieurs films en un. Un mélo, un burlesque, un drame, une comédie. Tout en dosant ses ingrédients, tout est question de dosage, ça emporte tout. Un scénariste aveugle, décide d’achever son film, en aveugle. L'éternel féminin, incarné par Pénélope Cruz, devient tour à tour, petite secrétaire, muse, actrice, femme amoureuse, maîtresse. Femme fatale, Marylin, Audrey Hepburn... On démaquille le processus complexe de la création, et c’est comme une récréation. On retrouve avec plaisir les femmes de chez Almodovar. Elles ne sont pas comme dans les autres films, les femmes à Pedro. Toujours exemplaires, à tous niveaux. Mêmes avec des petits rôles, on les reconnaît, on les aime, les respecte, toujours plus dignes que leurs alter égo masculins.
Le personnage principal, un dom juan vieillissant, qui se présente sous un pseudonyme américain : Harry Caine( !) alors que son vrai nom est Matteo Blanco. Double jeu, double sens, jeu de sens. Pénélope Cruz qui joue une actrice débutante. Lola Duñas, Rossy De Palma, tous et toutes posent dans un tableau pop espagnol, décoratif, et très coloré. Un décor très magasin Ikea pour les nuls ; on est pop ou on ne l’est pas. Simplicité et couleurs chaudes. Avec des allusions à la pop culture et au cinéma, à toutes les scènes importantes.
L’appartement de l’homme d’affaires avec un énorme tableau qui fait penser à Warhol. Un fusil à lunette sur fond bleu, marqué : LOVE GUN. Qui comme par hasard, est pointé vers là où le boss, et sa future maîtresse se retrouvent. Métaphore d'école, cettes, mais c'est toujours parlant, et c'est bien fait. Comment il réussit à ne pas être lourdingue, Pedro? C’est son secret.
La robe rouge, Les tomates rouges. Le rouge chez Almodovar, c’est devenu comme un signal, qu’on attend à tout moment du film. Pas un plan inutile, précision, plus difficile qu’il n’y paraît, et le dans un mélo. Il faut être rigoureux, mais pas trop. Son humour, moins corrosif que d’habitude. D’ailleurs, est-ce réellement un mélo ? Pas sûr. Je pense que l’histoire, il s’en fout. Il y a une maturité et un savoir-faire qui font qu’il peut traiter son sujet, sans même se préoccuper des codes, qu’il peut dépasser. Désormais la mise en scène domine. Il évite le gnan-gnan, n’est pas tire-larmes. Un bon Pedro.
L’histoire, je m’en foutais moi aussi. Je savais que j’allais voyager, et vivre un superbe moment de cinéma. J’en ai un très bon souvenir, de ce film, et ça fonctionne toujours, plaisir des yeux assurés. Il est plus froid que d’habitude, mais pas moins inspiré, avec des moments géniaux, comme cet au revoir d’Harry Caine à l’amour de sa vie. En touchant l’écran, comme pour déchiffrer en braille, l’image qui s’efface, et qui se décline en pixels sous nos yeux, les siens étant éteints.
Á voir pour saisir, un petit moment de grâce, poétique au possible, jouissif. Même des scènes bateau comme celle de la révélation, elles passent toutes seules, pourtant y a pas plus prévisible que ça! C’est filmé avec une telle science du récit, qu’on marche quand même, contraint et conquis. Encore la puissance de la mise en scène. Une histoire qui sert de marchepied à une leçon de mise en scène, teintée d’humour et de maîtrise technique, pour une déclaration d’amour au cinéma, aux actrices, et acteurs. Celui qui joue Harry Caine est très bon, j’aimerais bien le voir ailleurs. Direction d’acteurs impeccable. Bon. Pedro en grande forme, qui l’a quittée depuis.