Une adaptation plus féministe du classique de Balzac justement très classique mais impeccable.

Révélé avec le moyen et théâtral « Une exécution ordinaire » et confirmé en grande pompe avec l’excellent film en costumes, « L’Échange des princesses », Marc Dugain nous revient de nouveau avec un film d’époque mais qui avance dans le temps en se déroulant non plus au XVIIème mais cette fois au XVIIIème siècle. Et c’est en adaptant le célèbre roman « Eugénie Grandet » de l’un de nos plus grands écrivains, Honoré de Blazac, pourtant déjà porté maintes fois à l’écran au cinéma ou à la télévision. Cette relecture était-elle nécessaire? Pas vraiment. Est-elle tout de même réussie et plaisante? Assurément. Et même plus qu’espéré grâce à un travail d’adaptation qui modernise certains aspects pour leur donner écho avec notre époque, une réalisation appliquée et travaillée avec soin et des comédiens très en forme, notamment un. On y revient d’ailleurs plus bas.


Dans son ensemble, ce classique de la littérature française devenu long-métrage est d’une facture très classique sur la forme comme sur le fond. Mais classique dans le bon sens du terme sans pour autant qu’il soit d’une fidélité sans faille au matériau de base. Dugain et ses collaborateurs à l’écriture ont parfaitement condensé le roman pour se focaliser sur deux thématiques principales : la condition de la femme écrasée par le patriarcat ainsi que son émancipation d’un côté et les rapports à l’argent dans la France provinciale de cette époque de l’autre. La première est très à la mode encore une fois en ce moment, où l’on ne cesse à raison de mettre les femmes à l’honneur, mais peut lasser. Quant à la seconde, elle s’avère bien plus passionnante. Globalement, on ne s’ennuie pas une seule seconde avec « Eugénie Grandet », il n’y a pas une scène ou une ligne de dialogues en trop. D’ailleurs, ceux-ci sont d’une précision qui confine à la perfection et constituent l’action du film, son cœur. Ils le font avancer ainsi que les personnages de manière parfaitement cadencée.


Dugain s’est entourée d’une belle troupe d’acteurs, entre gueules habituées aux seconds rôles mais toujours bien à leur place (Bruno Raffaelli en tête), une Joséphine Japy parfaite dans le rôle-titre mais une Valérie Bonneton un peu trop effacée. Mais la composition qui retient particulièrement l’attention est sans conteste celle d’Olivier Gourmet : il est monstrueux dans le rôle de ce père avare et détestable jusqu’à l’écœurement. Encore un grand rôle et une grande composition pour le comédien belge révélé chez les Dardenne. La mise en scène très épurée, presque ascétique, du cinéaste pourrait passer pour vieillotte si elle ne s’adaptait parfaitement aux écrits de Balzac. Picturale au possible elle nous fait penser un peu à celle de « La jeune fille à la perle » avec ses éclairages à la bougie du meilleur effet. Les bords de Loire comme les intérieurs sombres des maisons de l’époque sont donc filmés avec grand soin. Cette « Eugénie Grandet » version 2021 est très classique, mais moins que de prime abord, et s’avère surtout très agréable et réussie à défaut d’être une œuvre originale.


Plus de critiques cinéma sur ma page Facebook Ciné Ma Passion.

JorikVesperhaven
7

Créée

le 4 nov. 2021

Critique lue 449 fois

6 j'aime

Rémy Fiers

Écrit par

Critique lue 449 fois

6

D'autres avis sur Eugénie Grandet

Eugénie Grandet
Cinephile-doux
8

Triste vice de l'avarice

Quoi de neuf ? Balzac, encore et toujours. Depuis longtemps, le cinéma français en a fait l'un de ses "scénaristes" de prédilection, par exemple au temps de l'Occupation allemande, et voici qu'en...

le 19 sept. 2021

9 j'aime

Eugénie Grandet
Selenie
7

Critique de Eugénie Grandet par Selenie

Le réalisateur-scénariste arrive magnifiquement à nous immerger dans cette demeure triste et austère, où les femmes sont des accessoires de beauté, ou même de simple présence sociale et de convenance...

le 30 sept. 2021

7 j'aime

Eugénie Grandet
JorikVesperhaven
7

Une adaptation plus féministe du classique de Balzac justement très classique mais impeccable.

Révélé avec le moyen et théâtral « Une exécution ordinaire » et confirmé en grande pompe avec l’excellent film en costumes, « L’Échange des princesses », Marc Dugain nous revient de nouveau avec un...

le 4 nov. 2021

6 j'aime

Du même critique

Les Animaux fantastiques - Les Crimes de Grindelwald
JorikVesperhaven
5

Formellement irréprochable, une suite confuse qui nous perd à force de sous-intrigues inachevées.

Le premier épisode était une franchement bonne surprise qui étendait l’univers du sorcier à lunettes avec intelligence et de manière plutôt jubilatoire. Une espèce de grand huit plein de nouveautés,...

le 15 nov. 2018

93 j'aime

10

TÁR
JorikVesperhaven
4

Tartare d'auteur.

Si ce n’est une Cate Blanchett au-delà de toute critique et encore une fois impressionnante et monstrueuse de talent - en somme parfaite - c’est peu dire que ce film très attendu et prétendant à de...

le 27 oct. 2022

88 j'aime

11

First Man - Le Premier Homme sur la Lune
JorikVesperhaven
4

Chazelle se loupe avec cette évocation froide et ennuyeuse d'où ne surnage aucune émotion.

On se sent toujours un peu bête lorsqu’on fait partie des seuls à ne pas avoir aimé un film jugé à la quasi unanimité excellent voire proche du chef-d’œuvre, et cela par les critiques comme par une...

le 18 oct. 2018

81 j'aime

11