Fort du succès que son premier film a rencontré, Sam Raimi enchaîne avec une comédie horrifique du nom de Mort sur le grill. Malheureusement pour lui, le film est un véritable flop et ne rendre pas dans ses frais. Afin de se relever de cet échec, il décide de réaliser un film dont il saura qu’il rapportera de l’argent. Il n’a pas besoin de réfléchir très longtemps, ce film sera Evil Dead 2.


Il faut dire que son premier film a été un succès relativement modeste mais très supérieur à ce qu’on pouvait s’attendre pour une telle production. Les amateurs de gores à l’état pur étaient bien sûr le principal public de ce film ce qui, au final, ne représente pas une si grande partie de la population. Mais pour un film qui a coûté dans les 500 000 dollars, il était facile de rapporter sa mise de départ. Evil Dead avait également eu droit à une excellente publicité au festival de Cannes de la part de Stephen King lui-même et est devenu de plus en plus populaire au fils des ans. C’est pour cette raison que Sam Raimi était aussi confiant sur sa suite. Et il avait raison car, là où le rassemblement du budget était une tannée pour le premier film, pour sa suite, le contrat était réglé en 20 minutes. Un budget estimé entre 3.5 millions et 4 millions de dollars lui a été alloué ce qui représente dix fois plus que son premier film. À cela, vient s’ajouter de véritables spécialistes des effets spéciaux et de vrais acteurs membres de la guilde et non pas des comédiens amateurs. Les seuls rescapés du premier film sont bien évidemment Sam Raimi, Bruce Campbell, Robert Tapert et Tom Sullivan, responsable des effets spéciaux. L’actrice qui jouait Linda dans le premier film a été remplacée par une autre actrice. C’est d’ailleurs assez amusant car Linda apparait dans les trois films mais n’est jamais jouée par la même actrice. Les conditions de tournages allant de paire avec le budget, celui-ci fût bien plus confortable. Finies les températures en dessous de zéro et les tournages qui s’étalent sur trois ans, Sam Raimi a pris du galon et peut enfin réaliser le film qu’il voulait.


Car il faut savoir que Evil Dead premier du nom, même s’il est très réussi, ne correspondait pas à la vision que Sam Raimi avait de son bébé. Les limitations de budget l’ont obligé à faire quelque concessions sur ce qu’il voulait vraiment filmer. Il pourra se faire entièrement plaisir sur Evil Dead 2. C’est d’ailleurs pour ça que cette suite n’en n’est pas vraiment une mais plutôt une relecture du premier. En fait, on peut dire que ce film est un résumé/reboot/suite du premier Evil Dead. Il faut savoir que chacun des trois Evil Dead est détenu par une compagnie différente et que de fait, Sam Raimi lui-même ne peut pas emprunter des images du film précédent pour les intégrer au suivant. Le premier film se terminait sur un cliffhanger et les dix premières minutes de sa suite devaient constituer un résumé du premier qu’il devait entièrement retourner. Il en a profité pour changer l’histoire et ainsi repartir sur de nouvelles bases. Si on ne sait pas ça, on peut trouver très étrange que Ash décide de retourner dans la cabane qui a vu tous ses amis transformés en démons avec en plus une nouvelle copine qui porte le même nom que celle qu’il a été obligé de tuer. Ash n’est peut-être pas futé mais là, il passerait carrément pour un gros con. Il faut aborder l'histoire de ce film comme si le premier n’avait jamais existé. Evil Dead 2 est le film que Sam Raimi aurait voulu réaliser dès 1981 s’il en avait eu les moyens. Il ne renie bien sûr pas Evil Dead 1 mais Evil Dead 2 représente vraiment la meilleure vision qu’il avait de l’histoire qu’il voulait raconter à l’origine. Il constitue également une suite car après les dix nouvelles minutes, nous reprenons là où le premier film s’est arrêté permettant ainsi au cliffhanger de trouver une conclusion.


C'est également avec cette nouvelle base que Sam Raimi pouvait insuffler à son film le véritable esprit qu’il voulait donner au premier. Ainsi, le côté gore et très sombre du premier laisse ici place à l’humour noir et au second degré. C’est pour ça que je préfère ce deuxième film car il est tout simplement hystérique, délirant, l’horreur se mélange au comique avec un dosage parfait. Si on pouvait reprocher au premier quelques lenteurs, ici ce n’est pas du tout le cas, on n’a pas le temps de se reposer. Le premier film démarrait doucement, ici il va à cent à l’heure. C’est assez logique. Pourquoi redémarrer lentement dans une histoire déjà lancée ? Le film est plus fun et le rythme est plus soutenu. C’est ce dynamisme et cette énergie qui différencie ce second film du premier. Ça et son humour non dissimulé. Sam Raimi et Bruce Campbell sont des fans des Trois Stooges. Un trio de comique à l’humour absurde dit slapstick ou en français "tarte à la crème." En somme, du délirant. Et Sam Raimi va se faire plaisir en insufflant cette influence dans son film ce qui en fera une péloche comico-gore.


Il en profitera également pour faire subir à Bruce Campbell les pires tortures l’obligeant à se faire fouetter par des branches d’arbres, assommé par des assiettes par sa propre main ou ne lui envoyant des litres de sang dans la figure. La première partie du film, Ash est seul dans la cabane et nous délivre un véritable "Bruce Campbell show" où tout le talent de l’acteur est mis à profit. Il a même parfois des airs à la Jim Carrey. Il porte sur ses épaules toute cette première partie. Seul face aux démons qui le torturent (et par Sam Raimi), Ash en voit de toutes les couleurs. Entre sa petite amie qui revient le tourmenté dans des scènes à l’esthétique magnifiques (la danse macabre et la musique qui l’accompagne sont fantastiques !), sa main possédée qui aime à le torturer, son esprit qui lui joue des tours ou le mobilier de la cabane qui fout littéralement de sa gueule, Ash n’a pas une minute à lui et nous non plus. Cette première partie est à la fois drôle et captivante tellement on n’arrive pas à réaliser ce qui se passe sous nos yeux. Elle délivre également des passages considérés, à juste titre, comme cultes. Des passages que je ne me lasse pas de revoir et qui me font tantôt rire, tantôt sursauté.


Pour continuer à parler de Ash, ce deuxième film nous offre un personnage différent du premier. Si dans Evil Dead, Ash était le monsieur tout le monde qui se retrouve obliger de survivre du mieux qu’il peut au milieu de démons, dans Evil Dead 2 il a déjà plus la situation en main. Plus musclé, plus réfléchi, sûr de lui, le Ash bêta du premier film est devenu l’homme de la situation, le tueur de démons. Une sorte super-Ash dont l’image est renforcée par son arsenal constitué d’un fusil à canon scié et d’une tronçonneuse. Rien ne peut plus l’arrêter. Et pour en arriver à ce résultat, Bruce Campbell a subit un entrainement rigoureux avec deux heures d’exercices par jour, 6 jours par semaines pendant douze semaines et ce même les journées de tournages. Un véritable défi physique et psychologique. J’aime bien ce nouveau Ash car je pense que s’il était resté comme dans le premier film, Evil Dead 2 aurait été moins fun. C’est de voir Ash prendre les choses en main(s) qui le rend encore plus drôle. Le Ash du premier film renforçait quant à lui le sentiment de peur.


Autrepoint que Raimi a voulu éclaircir par rapport à son premier film, c’est le Necronomicon. Dans le premier film, il ne semblait servir qu’à libérer les esprits maléfiques. On ne savait rien de lui. De même, l’origine de la cabane semblait nébuleuse. Ces deux points trouvent de plus amples explications ici.L’origine du Necronomicon nous est expliqué, nous parcourons également quelques pages qui donneront des élément d’intrigues pour le troisième film et nous apprenons également que la cabane est la propriété d’un archéologue qui a découvert le livre lors de fouille. Cela permettra d’introduire de nouveaux personnages, Ash ne pouvant assurer tout le film lui-même. Ma seule déception vient de là car les personnages ne sont pas aussi attachant que dans le premier film. Ils servent à la cohérence du film, permettent également de faire avancer l’intrigue (surtout la fille de l’archéologue) mais à part ça, ces personnages sont assez pauvres. Seule Henrietta est une excellente trouvaille.


Henrietta est la femme du professeur Knowby, l’archéologue. Elle est la toute première possédée depuis la découverte du livre et est enfermée dans la cave de la cabane. C’est le grand méchant du film, le démon ultime. Son look est totalement répugnant et montre ainsi le talent des nouveaux responsables du maquillage qui ont su donner aux démons un aspect encore plus dégoutant et plus effrayant. C’est le petit frère de Sam Raimi, Ted, qui interprète Henrietta. Il est celui qui en a le plus bavé avec Bruce à cause de son costume qui nécessitait 6 heures d’applications et qui le faisait suer comme un porc. Chaque soir il fallait vider le costume entièrement remplit de sueur. Un tournage très éprouvant pour l’acteur mais dont le résultat à l’écran vaut vraiment la peine car Henrietta est sans aucun doute le démon le plus marquant de la saga Evil Dead. Elle représente également la hausse de budget, les moyens plus importants dont disposait l’équipe car c’est à travers ce personnage qu’on voit l’ambition première de Sam Raimi avec de nouvelles trouvailles en matière d’action et d’effets spéciaux. À elle seule, Henrietta enterre les démons du premier film même si je garde une affection tout particulière pour la première Linda. L’aspect des démons de ce deuxième films est encore plus monstrueux et fait moins "amateur", bien que les démons du premier films sont également très réussis.


Autre personnage à part entière, la cabane. Symbole des films, la simple vision de la cabane inspire un sentiment d’insécurité. Son aspect putride et moche ne donne pas envie d’y passer ses vacances. Et pourtant, c’est ce que font nos héros. Cette cabane semble faire parti d’une autre dimension et plusieurs éléments du film vont dans cette direction. Par exemple la disparition du chemin pris pour s’y rendre, le temps qui ne suit plus son court normal et les bruits qui ne ressemblent en rien à ce qui existe (comme pour le premier film). Cette cabane est à la fois le seul refuge et l’endroit de tous les dangers. C’est aussi ce que j’aime dans ce film : où qu’ils aillent, les personnages sont perpétuellement en danger.


Toujours du côté des coulisses, Sam Raimi utilise l’expérience qu’il a acquise avec ses deux premiers films. Il travaille enfin avec des story-boards (même si les dessins sont extrêmement rudimentaires et encore, c’est un euphémisme), il fait moins dans l’expérimental et sait ce qu’il veut et dirige ses acteurs avec plus de punch. Il a également créé deux nouveaux modèles de caméra, chose qu’il avait déjà faite dans le premier avec la shaky-cam. La ram-o-cam, que l’on pourrait également appelé la caméra-bélier sert, comme son nom l’indique, à défoncer certains éléments du décor comme si c’était la caméra elle-même qui le faisait, la caméra représentant les démons. On a ainsi droit à des scènes formidables et très belles visuellement. Ma préférée étant celle où Ash tente d’échapper au démon/caméra en traversant la cabane dans un long plan séquence où toutes les portes sont détruites par le bélier. Autre invention, la sam-o-cam. Celle-ci est plus particulière car elle permet de maltraité encore un peu plus Bruce Campell en le faisant tourner sur un axe rotatif pour donner l’impression qu’il est propulsé en arrière. Le résultat à l’écran est bluffant et mérite le coup d’œil. Il réutilise également des procédés qui ont fait leurs preuves comme celui de la caméra à l’épaule sur sa moto, la technique la plus célèbre de la trilogie et celle que je préfère.


D’un autre côté, le film faisant maintenant parti d’un studio, Sam Raimi n’était plus aussi libre que pour son premier film et subissait les foudres des censeurs pour les scènes gores. Qu’à cela ne tienne, il remplacera toutes les effusions de sang rouge par d’autres couleurs correspondant plus à un fluide qu’à du sang. Les censeurs ne pouvaient plus rien dire et le rendu est tout aussi efficace et permet à Sam Raimi de ne pas lésiner sur les litres utilisés donnant un côté loufoque à certaines scènes. Au final, Raimi n’a pas été si dérangé que ça et a su contourner intelligemment les demandes des studios pour un rendu final frisant la perfection.


Ce film est totalement loufoque mais aussi bourré d’action, d’horreur et d’humour. Un cocktail parfait qui tient la route de bout en bout et dont la pression ne retombe jamais. Ash est un personnage charismatique et super attachant, les démons sont très biens faits et le film mélange les idées les plus saugrenues et originales possibles. Qu’est-ce qu’il faut pour qu’il soit parfait ? Une bonne fin ! Et même là, le film réussit un tour de maître. Alors qu’on croit que rien ne pourrait être pire pour Ash, voilà que Sam Raimi trouve le cliffhanger le plus surréaliste possible et engage sa trilogie dans une direction diamétralement opposée à ce qu’on a vu jusque là. La lecture des pages du Necronomicon avait déjà introduit cette partie mais il était impossible de deviner que Sam Raimi allait emprunter cette route extrêmement couillue. C’est bien simple, la fin,comme le reste du film est totalement jouissive et donne envie de se jeter sur le troisième film. Comment Ash va s’en sortir cette fois ?
Pourquoi je préfère ce deuxième film ? Pour toutes les caractéristiques que j'ai énoncées plus haut. Les aspects brouillons du premier film ont été perfectionnés, l'humour se mêle parfaitement à l'horreur, la technique permet de rendre les possessions plus crédibles, etc. Raimi a pris un bon film, Evil Dead, et l'a amélioré pour en faire Evil Dead 2 .Ce film est mon film d’horreur préféré. Je crois même que c’est un de mes films préférés tous genres confondus car il mélange justement tous les genres du cinéma. C’est le film que Sam Raimi voulait faire dès le début et il prouve qu’il avait une vision parfaite de l’histoire qu’il voulait raconter. Un film parfait du début à la fin. Une œuvre culte.

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le 5 févr. 2017

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Jeremkre

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