Comme si ça ne suffisait pas d'avoir été traumatisée par le meurtre de sa mère, la belle Marialé s'ennuie dans son grand château, entre ses calmants, ses armures, son mari et un concierge moustachu. Pour se distraire un peu, elle invite donc une bande de relous, mais le tout finira tragiquement.


Une production mineure, mais non sans charme, qui me semble assez représentative de toute une catégorie d’œuvres moyennes du cinéma de genre italien de cette époque : un script indéniablement poreux, mais rehaussé par un soin sensible apporté aux images, ainsi que par une certaine inventivité dans les détails qui masquent dans une certaine mesure les lacunes du scénario. Le professionnalisme de la distribution et de toute l'équipe technique est également remarquable. En l'an de grâce 1972, sachez jeunes gens qu'en Italie, on respectait assez le public pour garder tout son sérieux quand on entreprenait un petit film avec pour seule ambition de massacrer le casting de la façon la plus intéressante possible. Un tel professionnalisme doit forcer notre respect, et l'on a bien raison de ressortir en haute-définition ces produits d'un artisanat disparu.


Nous sommes un peu en terrain connu : l'intrigue du film n'est pas sans rappeler Ecologia del delitto ou autre Cinque bambole per la luna d'agosto, les deux proto-slasher de notre bon maître Mario Bava, où des bandes d'ahuris passablement méprisables se voyaient pendus, empalés, hachés, noyés, et pour certains mis au frigo, et cela le plus joyeusement du monde aux accents toniques d'une musique pop. Le film de Scavolini se distingue cependant fortement de son modèle. Le truc de Romano, voyez-vous, ce serait plutôt l'étrangeté insidieuse, et il vise moins l'accumulation de mises à mort horrifiques que la mise en place d'une inquiétude sourde, par la description allusive de rapports humains déréglés ou par quelques détails suggérant, plus ou moins subtilement, le désordre latent qui guette tous les personnages. Ce n'est d'ailleurs qu'assez tardivement dans le film que le réalisateur se résigne à décimer son casting, et presque à regret, semble t-il, comme pour complaire à une mode qu'il réprouverait plutôt pour sa part.


Plutôt que du pur grand-guignol, on pourra donc apprécier là-dedans un véritable sens de la mise en scène du détail insolite et visuellement fort, à l'image de cette très belle première séquence, où l'éclat trop vif de la robe blanche du titre italien introduit déjà une inquiétude dans la sérénité d'un sous-bois. On peut penser également à ce repas décadent de convives costumés, à la longue visite solennel du château à la lueur des chandelles... Autant de vignettes subtilement décalées où Scavolini parvient à faire planer le danger qu'annonce la première scène.


Vous dirais-je pour autant que tout est rose au royaume des exorcismes tragiques ? Hé non, bien entendu, les quelques bonnes idées scénaristiques n'étaient visiblement pas suffisantes pour maintenir l'intérêt pendant tout le métrage. Et qu'advient-il quand on entreprend de réaliser un film dont le scénario a été écrit en attendant un expresso ?... Hé bien certaines scènes sont allongées au-delà du raisonnable, comme celle de la découverte dans le château de la pièce des costumes, où la panique qui saisit le casting est - comme de bien entendu - accompagné des coups de tonnerre de l'orage qu'on embauche traditionnellement pour ce genre d'occasion. La scène saphique, sans être désagréable - comment pourrait-elle l'être ?... - arrive néanmoins hors de propos, et n'a d'autre intérêt que de fournir le prétexte à quelques plans de poitrines féminines. On ne s'en plaindra pas, certes, mais cela rappelle que malgré le soin apporté à l'ensemble, nous sommes bien dans le monde merveilleusement putassier de l'exploitation italienne.


Le film laisse un bon souvenir, cependant, grâce à la beauté de certaines images, la qualité de ses interprètes, le soin de la réalisation. Mieux écrit, moins improvisé, il aurait pu prétendre sans doute à représenter l'un des derniers fleurons du gothique italien... en l'état, il reste un divertissement bien torché et tout à fait sympathique.

JohannLeuwen
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le 15 oct. 2017

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Johann Leuwen

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