Première adaptation cinématographique du premier roman de Michel Houellebecq : Extension du domaine de la lutte reste une réussite pour le moins surprenante, cultivant sans complaisance une imagerie télévisuelle définitivement estampillée nineties. En ce sens - et près de 20 ans après sa sortie en salles - cette fable faussement misanthrope et terriblement humaine semble résolument datée, cloisonnée dans son époque en même temps qu'elle affiche une certaine lucidité quant au devenir des générations actuelles.


Reprenons : un informaticien trentenaire et taciturne ( joué par l'acteur et réalisateur Philippe Harel, probable alter ego de Michel Houellebecq ), proche du quidam social, s'interroge sur la misère sexuelle de la gente masculine, et de la sienne plus particulièrement. Errant dans une société où le cynisme et la consommation à outrance sont de mise cet anonyme peu avenant voire rebutant va, au détour d'un séjour professionnel en Normandie, acculer son collègue de travail ( José Garcia, dans un rôle profondément émouvant ) à commettre l'irréparable...


Si cette production indépendante déconcerte de prime abord elle se bonifie de minute en minute, communiquant un pessimisme proprement dérangeant voire cafardeux renvoyant directement aux frustrations de l'auteur ; si Michel Houellebecq demeure un écrivain pour le moins controversé, souvent discuté et disputé, ses personnages sont ici totalement humanisés, aucunement pris de haut ni tournés en ridicule par Philippe Harel. On pense énormément à un autre roman-culte des années 90 : le bien-nommé Fight Club de Chuck Palahniuk, dont le protagoniste partage bon nombre de similitudes avec le héros houellebecquien ( misère sexuelle, profession aliénante, société de consommation anesthésiante moralement et philosophiquement, activités thérapeutiques réunissant des individus marginalisés, etc...).


Film davantage passionnant dans ce qu'il raconte que dans sa forme Extension du domaine de la lutte s'avère être une petite pépite cinématographique suffisamment courageuse et atypique pour remporter notre estime... d'autant plus qu'elle semble a priori très fidèle au roman de Houellebecq, ne jouant ( presque ) jamais la carte du racolage ou de la séduction tapageuse. Un très bon film.

stebbins
8
Écrit par

Créée

le 14 juil. 2017

Critique lue 400 fois

3 j'aime

stebbins

Écrit par

Critique lue 400 fois

3

D'autres avis sur Extension du domaine de la lutte

Extension du domaine de la lutte
Pom_Pom_Galli
8

Je carbure aux anti-depresseurs depuis que j'ai vu ce film...

Un des films les plus déprimants qu'il m'a été donné de voir. Tous les éléments de ce qui font la tristesse de l'homme moderne sont réunis ici. Une ville chiante (Rouen), de la pluie, un boulot de...

le 26 nov. 2013

7 j'aime

Extension du domaine de la lutte
stebbins
8

La philosophie est un sport de combat

Première adaptation cinématographique du premier roman de Michel Houellebecq : Extension du domaine de la lutte reste une réussite pour le moins surprenante, cultivant sans complaisance une imagerie...

le 14 juil. 2017

3 j'aime

Extension du domaine de la lutte
Fry3000
2

Extension du domaine de la vacuité

Un ami m'avait passé un extrait de film où deux losers trentenaires, en boîte de nuit, regardaient les autres danser, l'un d'eux se lançait dans un monologue impressionnant où il s'apitoyait sur leur...

le 29 déc. 2013

2 j'aime

Du même critique

La Prisonnière du désert
stebbins
4

Retour au foyer

Précédé de sa réputation de grand classique du western américain La Prisonnière du désert m'a pourtant quasiment laissé de marbre voire pas mal agacé sur la longueur. Vanté par la critique et les...

le 21 août 2016

42 j'aime

9

Hold-Up
stebbins
1

Sicko-logique(s) : pansez unique !

Immense sentiment de paradoxe face à cet étrange objet médiatique prenant la forme d'un documentaire pullulant d'intervenants aux intentions et aux discours plus ou moins douteux et/ou fumeux... Sur...

le 14 nov. 2020

38 j'aime

55

Mascarade
stebbins
8

La baise des gens

Nice ou l'enfer du jeu de l'amour-propre et du narcissisme... Bedos troque ses bons mots tout en surface pour un cynisme inédit et totalement écoeurrant, livrant avec cette Mascarade son meilleur...

le 4 nov. 2022

26 j'aime

5