Non ! Non et non ! Ce n'est pas ce film qui dénonce les drones. Il va d'ailleurs beaucoup moins loin que son prédécesseur Good Kill, qui lui aussi tournait les talons quand il s'agissait de désapprouver les conflits d'ingérence, préférant se réfugier derrière un code d'honneur au combat certes valide, mais d'un piètre intérêt quand il s'agit de bombarder des positions qui n'ont pas les moyens de riposter, drone ou avion de chasse faisant peu de différence dans le résultat.


Avec un casting sympathique, ce petit cru du réalisateur de La stratégie Ender essaye de traiter un sujet en vogue au cinéma (Batman vs superman, La chute de Londres, Good Kill) pour se focaliser essentiellement sur la question morale des autorisations permettant de transformer une mission d'espionnage à base de drone en une intervention armée, avec de potentiels dégâts collatéraux. Je m'insurgeais devant la bande annonce en affirmant que ce genre de convocation d'état major face à une perte potentielle pour une cellule terroriste complète avec des têtes recherchées me semblait hypocrite, l'intervention ne faisant alors aucun doute dans de telles circonstances. Car ce sont bien les circonstances qui expliquent les évènements. Or ici, il convient de relever un point énorme : l'identité des terroristes est validée d'office ! Or ces identifications sont bien plus délicates dans la réalité. La vue de dessus n'est pas très pratique, et pour le coup du drone insecte présent dans le film, précisons que nous sommes alors dans la science fiction (ce drone n'existe pas comme en attestent les effets numériques) et que ces renseignements ne seraient surement jamais connus, à moins d'avoir mis le lieu en question sous surveillance depuis quelques temps. Ce contexte pose une situation où une intervention se justifie sérieusement. Arrive alors le coup de la victime collatérale. Sans cynisme, je pense qu'elle ne pèserait pas beaucoup dans la prise de décision (allez prouver qu'un missile de drone est tombé par là), car une seule victime pour une cellule terroriste entière et deux cerveaux des forces rebelles, c'est une équation qui penche clairement du côté de l'intervention. Le film épaissit toutefois la situation avec le contexte d'une intervention en pays non ennemi (donc à la légalité floue) et se focalise sur l'obtention des permissions d'engager entre les différents services militaires et politiques engagés. En cela, le film est juste quoique très procédurier (tout le monde fait vraiment son boulot à la virgule près, pas de raccourcis...), mais c'est surtout dans son langage des chiffres qu'il parvient à convaincre. Ainsi, concernant la victime collatérale, les militaires ne cherchent pas à éviter son sacrifice, mais à faire baisser son pourcentage de dégât potentiel jusqu'à un seuil légalement acceptable. Car à partir du moment où il y a un peu de hasard, on laisse une chance de s'en tirer, non ? Le film entretient donc sa petite trame de plusieurs arguments politiques et humains jusqu'à ladite intervention et ses conséquences. On se quitte avec un rappel de l'honneur et de l'intégrité des militaires, car ils connaissent bien le prix de la guerre. Ce n'est pas faux, mais c'est un peu hypocrite. Car on nous montre toujours la guerre d'un seul côté, à savoir l'engagement armé, ici avec des sociétés occidentales qui écrasent technologiquement leurs rivaux. La guerre n'est pas remise en question ici, il n'y a pas de compréhension de la situation, juste les questions de légalité d'engagement (car ce n'est plus du répliquer si ils attaquent). Ce qui assez futile puisqu'il s'agit toujours de suppression d'individus certes belliqueux, mais qu'on attaque avec des méthodes à la fiabilité basée sur des pourcentages.


En bref, il y a une part de vérité dans Eye in the sky, mais on reste encore loin dans la fiction et le politiquement correct pour aborder la question du drone, qui reste un simple aspect du concept de guerre moderne qu'il faudrait analyser davantage en profondeur.

Voracinéphile
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le 12 juil. 2016

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