Fahrenheit 451
4.8
Fahrenheit 451

Téléfilm de Ramin Bahrani (2018)

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When I see you burning up Eel's lives, you don't look nervous.

On ne va pas se mentir, cette adaptation du classique de Bradbury est très loin d’être parfaite, et très loin d’arriver ne serait-ce qu’à la cheville de l’adaptation de Truffaut. Cependant, tout n’est pas à jeter non plus, bien au contraire. On se retrouve avec l’exemple typique d’une bonne idée sur le papier qui ne se concrétise pas, ou peut-être entre de mauvaises mains. Le film de Truffaut est un classique, et une très bonne adaptation de l’œuvre originale ; mais, à mon humble avis, il avait besoin d’être modernisé pour le public actuel. Ce remake réussit très bien ce côté-là, avec une intrigue qui s’insère dans un univers qui parle au public d’aujourd’hui. Le problème, c’est que ça s’arrête là. Non seulement, l’univers est à peine exploité au final ; mais surtout, on a perdu toute l’âme du livre de Bradbury, ce qui en fait un classique de la SF, toute sa puissance, sa saveur. Le personnage de Montag est fade, et ses questionnements semblent forcés histoire de coller à l’œuvre d’origine, mais ça ne colle pas avec le reste du film, avec le personnage qu’ils ont créé.


Le film prend beaucoup de liberté par rapport à l’œuvre d’origine, que ce soit la construction des personnages, leurs caractères, leurs personnalités, leur évolution, ou bien l’intrigue même, son univers, son déroulement, la succession des évènements. Et pourtant, à côté, il y a cette envie de piocher au hasard des éléments de l’œuvre originale pour faire coller l’ensemble. Alors autant parfois, ça marche très bien (l’histoire autour de l’Omnis) ; autant parfois, c’est superflu et presque hors propos avec le reste (comment Montag finit par se sentir impliqué dans cette lutte). C’est dommage, parce qu’il y avait vraiment un potentiel dans cette modernisation de l’histoire, avec notamment l’arrivée des réseaux sociaux ou des ordinateurs dans la balance (ce que ni Bradbury, ni Truffaut, n’avaient anticipé).


Si la relation entre Montag et Beatty prend un tournant intéressant (et une conclusion bien menée), on perd tout le reste qui rendait les autres œuvres intéressantes. L’absence de la femme de Montag est plutôt bien compensée par rapport à la modernisation du personnage, mais cela rend la fin moins palpitante, moins marquante. Idem avec le personnage de Clarisse, qui perd toute sa substance dans cette modernisation, et aussi l’intérêt même du personnage en tombant sans même s’en cacher dans une romance pas vraiment utile à l’ensemble. Et puis si on retrouve un peu le discours sur les livres, la littérature, ça semble tellement hors propos dans ce film, dans cette intrigue, que ça sonne artificiel et en perd là aussi toute sa substance.


Le casting sera globalement moyen à correct. Le duo Michael B. Jordan et Michael Shannon fonctionnent plutôt bien, il y a une vraie dynamique entre les deux ; mais l’un comme l’autre ont déjà montré des interprétations bien, bien meilleures que ce qu’ils font dans ce film, à savoir le minimum syndical (Shannon en perd même son intonation si particulière). Sofia Boutella sera éventuellement la plus intéressante, dans le sens où elle écope enfin d’un rôle qui ne fait pas appel à ses talents de danseuses, mais bien d’actrice, et ça fonctionne plutôt bien (sans non plus être sensationnel là non plus). Quant au reste du casting, disons que ça reste dans les mêmes eaux, sans vraiment forcer mais sans être catastrophiques non plus. Quant à l’aspect technique, le film sera correct sans plus : autant il y a quelques idées de mises en scènes intéressantes (avec notamment des plans pensés à 360°), autant la musique, les effets spéciaux, les décors… Tout ça restera très classique, surfant parfois sur un aspect visuel très série B.


Au final, ce qui manque surtout à cette adaptation de Fahrenheit 451, c’est une vraie âme. Il n’y en a aucune, le film échoue à nous investir dans son intrigue, dans ses personnages. Non pas qu’il soit timide, mais simplement qu’il ne se lance à aucun moment. L’ambiance créée est extrêmement fade, l’univers, bien qu’intéressant, est mal exploité, et l’intrigue ne s’y accorde pas. Ça aurait pu être un nième film de SF correct, sans plus, mais le fait est que le film avait un message à faire passer, et qu’il en a oublié la substance en voulant l’adapter à notre époque. Je pense que l’idée de départ était très bonne, mais qu’elle a été mal aiguillée. Ce qui est dommage, car il y avait vraiment moyen de faire un film qui se démarque et fonctionne.

vive_le_ciné
5
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le 31 mai 2018

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