Failan
7.1
Failan

Film de Song Hae-Sung (2001)

De battre son cœur s'est arrêté.

Si tu veux avoir un aperçu de la magnifique bande-son du film en lisant, c'est ici.
[Si tu n'as pas lu le synopsis du film, attention, la critique ci-dessous dévoile une partie de l'intrigue qui peut être intéressante à découvrir dans le film et non pas via un texte ou un synopsis. Si t'as lu le synopsis le spoil ne va pas plus loin. Pour résumer ma critique : Va voir ce film !]


Quand on a que l'amour
Pour meubler de merveilles
Et couvrir de soleil
La laideur des faubourgs


chantait Jacques Brel en 1956, parant l'amour de toutes les vertus. Quand on a que l'amour pour survivre au lendemain, pour se sentir humain, semble lui répondre le Failan de Song Hae-seong.


Sortez les violons, sortez les mouchoirs, que ce soit le charme candide et pur d'une Cécilia Cheung angélique ou la tendre humanité de l'immense Choi Min-sik, ce film saura mettre votre petit cœur à nu, et venir baigner vos joues de larmes tandis que, blotti dans la chaleur douillette de votre appartement cosy, vous en arriverez à oublier le temps et le lieu, l'espace d'un instant, transporté dans la moiteur sordide des rues d'Incheon jusqu'aux étendues romanesque du rivage coréen.


Romance sans baisers, sans étreintes, amour manqué que la mort révèle, Failan retrace la vie d'un indécrottable tocard, pauvre mafieux pitoyable qu'un séjour en prison achève de discréditer aux yeux de son gang. Porté sur la boisson, violent, stupide, Kang-jae n'est plus qu'un raté dont la déchéance éclabousse ses anciens amis.



Si ma vie était comme la tienne, je préférerais mourir



Failan, elle, jeune chinoise arrivée en Corée dans l'espoir d'y trouver un travail, se retrouve prise au piège de combines louches, d'intermédiaires interlopes et se voit ballotée jusqu'à une petite ville, dans une petite blanchisserie à laquelle elle s'accroche désespérément.
Travailleuse, douce, ne se plaignant jamais, elle se fait une place dans cette société, place à laquelle elle a pu prétendre par le biais d'un mariage blanc.


Décidé à se livrer à la police pour un crime qu'il n'a pas commit, Kang-jae apprend la mort de sa femme, une jeune chinoise appelée Failan avec qui il a contracté un mariage blanc. Il va devoir aller identifier son corps alors même qu'il ne l'a jamais connue.


Failan étonne dans une première partie quasi-burlesque, présentant au sein de cette société de parias un homme pathétique, méprisable, la lie de l'humanité. Sans la moindre once de dignité, d'empathie, Kang-Jae n'inspire que dégoût tandis que certains passages, flash-back épisodiques, retracent la vie de la jeune immigrée chinoise, son arrivée, ses déboires. Évanescente, d'une fragilité touchante, Failan provoque immédiatement l'empathie tant sa situation émeut. Elle qui ne demande qu'à survivre apprend petit à petit à vivre et à aimer, aimer cet homme qui l'a épousée sans la connaître, aimer son visage souriant sur ce papier glacé, l'aimer jusqu'à ne pouvoir vivre sans lui, à vouloir le voir, le toucher, lui parler. Par sa tendresse, par son sort tragique, elle parvient à bouleverser Kang-jae, lui, cet être qui se méprise plus encore que les autres, cet égoïste incapable d'amour, à lui rendre son humanité.


Failan c'est l'histoire d'un homme révélé à soi-même, l'histoire d'un amour manqué et pourtant si beau, l'histoire tragique de deux destins qui se croisent sans jamais se mêler. Failan fait s'extraire de la fange la plus putride la bonté la plus pure chez cet homme, par cette simple phrase



Tout le monde est gentil, mais vous êtes le plus gentil, car vous m'avez épousée.



Choi Min-sik est sans conteste, à ce jour, un des meilleurs acteur au monde, d'une justesse, d'une profondeur inégalée. Tour à tour méprisable puis immensément humain et attachant, c'est un trogne comme on en voit rarement. Cecilia Cheung est d'une beauté fragile, d'une candeur qui émeut même le plus endurci des tueurs d'enfants. Et Song Hae-seong a l'intelligence de ne pas surcharger ses décors, la photographie est sobre, ensoleillée lorsque l'on se trouve en compagnie de la jeune chinoise, sombre et crasse quand on suit Kang-jae. La narration est fluide, tranquille, oscillant entre passé et présent sans que le spectateur ne se perde jamais.


Ce film est un bijou, qui mérite bien plus de 122 notes, bien plus de visibilité. C'est une romance pure, un drame social, un portrait touchant... une histoire humaine.

Petitbarbu
9
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le 17 juin 2015

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Petitbarbu

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