Parmi tous les classiques d’animation Disney, Fantasia est sans aucun doute mon préféré. Parce que le concept en soi est fabuleux : illustrer des grandes pièces de musique classique avec des séquences d’animation, c’est vraiment fascinant, c’est mettre en lumière tout le rapport fusionnel qui peut exister entre le son et l’image. Et en l’occurrence, Fantasia premier du nom exécutait vraiment l’idée avec tout le panache nécessaire. La plupart des séquences sont vraiment magnifiques, l’abstraction folle de la Toccata et Fugue, la douceur de la danse de la nature de Casse-Noisette, ou encore la spectaculaire représentation de la naissance du monde dans Le Sacre du Printemps. Le seul segment que j’aime un peu moins, c’est La Pastorale, un peu trop guilleret. Mais ça reste l’un de mes films d’animation préférés, que je pourrais revoir sans cesse. C’est d’ailleurs étonnant qu’il ait fallu attendre soixante ans pour que le projet soit ressuscité (enfin je pense que c’est parce que le premier n’avait pas si bien marché que ça, parce que l’idée de base était de faire de nouveaux films régulièrement) , vu le concept, on aurait pu en faire un par an et toujours avoir des idées aujourd’hui. Malgré tout ça, j’appréhendais un peu de revoir cette « suite », déjà parce qu’elle m’avait laissé assez peu de souvenirs, beaucoup moins que le premier en tout cas. Ensuite parce qu’elle semble globalement moins appréciée.

Après une petite intro nous renvoyant à celle du premier film, Fantasia 2000 envoie directement la sauce avec la 5e de Beethoven, dans une séquence qui se veut au premier abord un écho au segment de début du premier Fantasia : la Toccata et Fugue de Bach. Seulement, là où le segment original restait dans l’abstraction totale en se proposant d’illustrer visuellement les pensées pouvant traverser l’esprit à l’écoute d’un concert de musique classique, celui-ci décide de raconter une petite histoire. On a donc une espèce de confrontation entre des espèces de chauve-souris, des gentilles (multicolores) qui essaient de survivre pendant que des méchantes (noires) les attaquent. Et je crois qu’on tient là l’un des problèmes majeurs de Fantasia 2000 : les segments sont trop cadenassés, enfermés dans un espèce d’esprit de bienpensance typiquement disneyenne, et on a l’impression qu’ils ne peuvent se permettre de vraiment livrer leur plein potentiel. Ça n’empêche pas cette première séquence d’être visuellement très belle, de l’animation si créative chez Disney, on n’en voit plus si souvent, même si encore une fois ce n’est pas aussi sublime que le premier.

Après la première séquence, l’autre problème majeur du film nous apparaît assez vite : les présentations des différents segments sont assurées par des célébrités, et on ne peut pas dire que ça soit très brillant. Plutôt que d’opter pour la sobriété de Deems Taylor, les invités (Steve Martin, Bette Midler, Penn & Teller, …) ne peuvent s’empêcher d’inclure des touches d’humour pas forcément très réussies, et qui plombent vraiment le film dans l’ensemble. Je sauve quand même la présence de Quincy Jones, et celle de James Earl Jones, surtout parce que c’est James Earl Jones.

En ce qui concerne le reste des séquences, l’ensemble est de bonne facture, avec toutefois des réserves plus ou moins grandes à chaque fois. La deuxième pièce, les Pins de Rome de Respighi, est l’une des plus réussies. Les animateurs se lâchent complètement et transforment une balade dans Rome en une migration de baleines volantes en pleine banquise (oui vous avez bien lu), pour un moment de pure magnificence et de poésie visuelle.

Le Rhapsody in Blue de Gershwin est une autre belle réussite. Dans un style graphique rappelant l’illustrateur Al Hirschfeld, on nous dépeint le portrait d’un New York survitaminé, en passant par tous les niveaux de l’échelle sociale, dans une atmosphère délicieusement jazzy qui colle à merveille à la composition.

Vient ensuite une adaptation du Stoïque Soldat de Plomb d’Andersen, mis en musique avec le Concerto pour piano n°2 de Dmitri Chostakovitch. On ne peut que déplorer une forte disnéyisation de l'histoire originale, une happy end peu inspirée remplaçant la sublime et très puissante fin du conte. Heureusement, la séquence reste réussie, grâce à la musique et à l’animation, qui donne un impact certain à l’ensemble. Le style graphique utilise d’ailleurs avec brio les techniques d’animation par ordinateur, sans dénaturer le rendu « dessin animé ».

Le cinquième segment est une brève adaptation de la fin du Carnaval des Animaux de Saint-Saëns et est sans doute la partie la plus anecdotique du film. Grosso-modo, c’est un flamand rose qui fait du yoyo. Peu de splendeur visuelle ici, on est dans le gag pour enfants très basique et sans grand génie. La musique de Saint-Saëns aurait pu être adaptée avec plus de panache.

Suite à cela, les réalisateurs du film ont décidé de réinclure le segment le plus célèbre du Fantasia original : L’Apprenti Sorcier. Qui n’a absolument pas vieilli, mais on peut se questionner sur la pertinence d’un tel choix. Quel intérêt de copier/coller la séquence telle quelle ? A part pour mieux souligner la différence de niveaux entre les deux films peut-être…

Ensuite, nous avons droit au Pump and Circumstance d’Edward Elgar, qui est mis en image par une réinterprétation de l’histoire de l’arche de Noé mettant en scène… Donald. On devine que ça fait écho à la séquence précédente, mais malgré tout ce nouveau choix laisse perplexe. D’autant plus que la présence du canard est sujette à plusieurs gags lourdingues et pas vraiment indispensable. En dehors de ça, l’animation est assez classique, bref il n’y a pas grand chose à signaler ici.

Fort heureusement, le dernier segment est peut-être le meilleur du film. Les équipes de Disney utilisent l’Oiseau de Feu de Stravinsky pour illustrer le réveil d’un esprit du printemps et son combat contre un immense oiseau de feu destructeur. L’animation est splendide, intense, spectaculaire, magnifie la musique de Stravinsky, on a là le Disney des années 2000 à son meilleur. Même si, encore une fois, tout se finit dans la joie et la bonne humeur.

Fantasia 2000 apparaît donc comme un film un peu bâtard. Il y a d’incontestables réussites, certaines scènes sont à couper le souffle. Mais on ne peut s’empêcher de se rappeler, tout au long du film, à quel point le volet de 1940 était meilleur en tout point. Sans doute parce que celui-ci n’avait pas peur de prendre son public au sérieux, de se dévouer entièrement au projet pour offrir les meilleures séquences possibles. Ici, on sent que tout est sous contrôle : les histoires racontées doivent bien se finir, avoir une morale, de l’humour, les célébrités détendent l’atmosphère avec des « blagues ». Disney a visiblement peur de trop froisser son public cible en lui montrant autre chose que des petites histoires innocentes. C’est dommage, parce que ça handicape certaines séquences, et ça empêche Fantasia 2000 d’atteindre cet état de pureté qu’avait trouvé l’original. Néanmoins, le concept en lui-même reste brillant, et le film a beaucoup de choses à offrir, à défaut d’être à la hauteur de la légende.
Yayap
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le 13 déc. 2014

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