Il y a de cela un an, je disais à propos du premier film Heaven’s Feel qu’il était un film incomplet, un film d’exposition qui ne pourrait prétendre à ses lettres de noblesse que dans le cadre de la trilogie. En bref, tout reposait sur la qualité de la suite, notamment de ce deuxième film Heaven’s Feel, Lost Butterfly, qui apporte à l’intrigue tout le développement dont l’histoire avait besoin pour s’élever au-dessus des autres routes.


Et à vrai dire, le film est à la hauteur de ce qu’il devait être et développe avec brio les bases posées avec plus ou moins d’adresse par le premier film.


Ce qui ressort principalement, c’est la relation entre Shirou et Sakura et le développement de cette dernière après deux routes d’absence presque complète. Il était temps. Le personnage possède en effet bien plus d’intérêt que Saber et sa naïveté candide ou que Rin, la tsundere effrontée, et si Sakura n’est pas dotée d’une psychologie incroyablement profonde, elle n’en reste pas moins une âme torturée qui sait inspirer une pitié sincère au spectateur.


Ici, en effet, s’il est un sentiment qui prime, c’est la pitié envers ce personnage fragile, à la limite de la rupture, ébréché par des années de solitude, de mauvais traitements (et de vers rentrés là où il ne faut pas), que nul n’avait cherché à protéger avant Shirou, pas même son grand-père adoptif, qui ne la voie guère plus que comme un outil, pas même sa sœur qui lui a témoigné l’indifférence la plus totale durant des années, pas même Shinji, son frère adoptif, qui participe allègrement à la fragiliser, comme pour oublier qu’il est lui-même faible, insignifiant, pathétique.


C’est cette même pitié, cette volonté de protéger Sakura qui guide l’histoire jusque dans son déroulement. Ils ne sont plus là, les nobles combats emprunts de naïveté ; ils ne sont plus là non plus, les rêves idéalistes de Shirou qui voulait sauver tout le monde. Le personnage, gentil et innocent jusqu’à la bêtise la plus insupportable comprend enfin que tout ce qui vaut la peine d’être protégé est ce à quoi l’on tient. « Sakura, je deviendrai un justicier pour toi et pour toi seule ».


Alors bien sûr, ce n’est pas la transmission d’un sentiment, aussi efficace soit-elle, qui suffit à faire seule la qualité d’une œuvre. Après tout, cette qualité qu’ont les histoires à nous donner une sensation, n’est-elle pas la cerise sur le gâteau, l’ultime lien qui associe tout ce que l’œuvre nous a offert et en consacre la qualité ? Si, bien sûr ; il serait ridicule de devoir considérer comme réussie une œuvre qui nous transmettrait son idée mais dont la laideur nous repousserait.


Et c’est là la grande qualité de ce film Heaven’s Feel : Ufotable ne nous donne pas seulement à ressentir une émotion solitaire mais nous livre également une réalisation de très grande qualité, tant par sa mise en scène que par son découpage et son animation. Que ce soit la violence des combats, l’intimité de la rencontre sous la pluie, la terreur de la scène finale ou l’horreur des meurtres dans les ruelles sombres, les animateurs nous livrent un travail exécuté de main de maître, excellemment accompagné par la musique de Yuki Kajiura. On notera des véritables traits de génie dans l’enchainement de certaines scènes ou dans les détails graphiques, plus ou moins discrets, présents ici et là pour ajouter encore à l’intensité de l’histoire.
Je désirerais vivement développer certaines scènes en particulier, mais je me refuse à révéler à d’éventuelles personnes n’ayant pas encore vu le film ces instants qui m’ont vivement saisi et dont l’intensité ne saurait être retranscrite par une simple description.


Mais le film n’est pas parfait. C’est bien là le propre de la plupart des créations et il faut savoir le reconnaitre. Heaven’s Feel souffre de quelques longueurs et plus encore de gags dont la lourdeur était largement dispensable (d’autant plus si c’est une sensation de tragédie que les réalisateurs souhaitaient nous laisser).
Bien sûr, qui dit Stay Night dit Emiya Shirou, et qui dit Emiya Shirou dit grand agacement du spectateur envers un personnage semble destiné à garder en lui une part de l’adolescent insupportable qu’il était dans les autres routes ; si Shirou évolue de façon non négligeable, il ne garde pas moins les traits les plus agaçants de sa personnalité. Rappelons qu’il aurait dû mourir trois fois dans ce seul film, si des Deus ex Machina n’étaient pas venus le sauver in extremis ; rajoutons à ces trois occasions de décès évitées de manière improbable plusieurs autres situations où la mort, sans être certaine, s’approchait dangereusement de lui, et dont il ne semblait protégé que par une intervention divine (ex machina). Et malgré ça, Shirou reste la même tête brûlée, irréfléchi, fonçant la tête la première sans considération des risques ou des chances de succès. Remarque, vu la complaisance que met le scénario à la protéger, il n’a pas totalement tort.


Heureusement, malgré ces quelques tares et les défauts invariants du personnage principal, Fate/stay night : Heaven’s Feel II : Lost Butterfly, reste un film agréable à voir et assez bon dans tout ce qu’il a à offrir, dans l’action comme dans la contemplation, et sait accompagner son intrigue de multiples éléments qui nous font nous attacher à Sakura et confèrent à l’œuvre une dimension tragique qui s’intensifie au fur et à mesure que l’histoire avance.


En bref, bien qu’il ne soit pas un film parfait, Heaven’s Feel reste un très bon film que je vous recommande, ne serait-ce que pour la qualité de son animation.

imperosol
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le 12 avr. 2019

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