Une claque à laquelle je ne m'attendais pas … J'avais lu deux critiques (Procol Harum et Voiron) qui avaient attiré mon attention sur ce film russe. Et je dois dire aussi que le titre français comportait un jeu de mots intrigant. Un peu comme ces objets qui changent d'aspect lorsqu'on les manipule.
Le film, sorti en 2017, est d'un réalisateur que je découvre complètement : Andrei Zviaguintsev. Il est vrai que je connais peu de chose au cinéma russe moderne. Mais, c'est vrai aussi que chaque fois que j'ai eu l'occasion de voir un film russe récent, ce fut une bonne surprise.
L'histoire, d'abord, est celle d'un homme et une femme en instance de divorce. Ils ne semblent que préoccupés par leur vie prochaine avec leurs amants et par la vente de leur appartement. Leur fils de douze ans comprend douloureusement qu'il n'y a plus de place pour lui. Profondément malheureux, il décide de partir sans que ni son père ni sa mère ne s'en aperçoivent …
Le cinéaste a eu l'habileté de placer cette histoire dans un milieu moscovite assez aisé si j'en juge par les intérieurs des appartements et leur façon de vivre. Autrement dit, pas question de parler de conditions de vie déplorables susceptibles de justifier certaines pertes de valeur. Non, c'est un homme et une femme accaparés par leur boulot, qui ne s'aiment plus, qui se déchirent et dont l'enfant, dont aucun des deux ne veut la charge, devient subitement encombrant.
La désintégration de ce couple dont on se demande s'ils se sont aimés un jour et l'invisibilité de l'enfant est glaçante. À l'image de ces (beaux) paysages enneigés typiquement russes où la vie est immobile, comme morte. Déjà, on peut constater l'incapacité à communiquer simplement entre les personnes, leur regard en permanence englué sur l'écran de leur smartphone (sauf dans les scènes intimes et encore). Et n'allons surtout pas chercher une caractéristique spécifiquement russe voire même une éventuelle déliquescence de la société russe. Ce que je vois dans le film m'interpelle ; je peux parfaitement imaginer une situation analogue, ici en France ou ailleurs : une communication absente sauf pour s'engueuler ou faire des selfies, la recherche du plaisir personnel, la fuite en avant vers une chimère, …
Zviaguintsev ne nous épargne aucun détail et analyse soigneusement le fonctionnement du couple dans sa situation actuelle et laisse deviner le bonheur attendu des nouvelles liaisons. Et on peut déjà parier que ni l'un ni l'autre ne sauront trouver le bonheur dans leur future vie.
La femme reconnait qu'elle ne sait pas aimer ; à voir la relation haineuse réciproque qu'elle entretient avec sa mère, on peut lui accorder n'avoir pas été à bonne école.
L'homme se montre préoccupé au boulot par le risque posé par son divorce susceptible d'indisposer son patron très à cheval sur la moralité de ses employés.
L'un et l'autre n'ont aucune capacité d'empathie à la différence de l'association de recherche bénévole où les membres montrent un dévouement dont ne sont pas capables les parents. C'est même le seul vrai point positif du film où on découvre qu'il existe encore des gens capables de consacrer, gratuitement, du temps pour les autres. En l'occurrence, ici, l'enfant. D'ailleurs les participants à la recherche sont les seuls à prononcer le prénom "Aliocha" de l'enfant tandis que père ou mère ne savent que dire "le gosse" ou "le gamin". C'est effrayant pour ce qui concerne les parents (si tant est qu'ils méritent cette dénomination). C'est super rassurant de voir que "l'âme russe" est toujours présente à travers ces bénévoles !
Pour conclure, "Faute d'amour" est une belle découverte. Je me confirme, in petto, qu'il y a bien les deux sens au mot "faute"...
C'est un grand film superbement mis en scène, qui m'a impressionné et m'a vraiment donné envie de voir ce que ce Zviaguintsev a fait d'autre.
J'ai déjà repéré "Léviathan" …