Female Teacher: In Front of the Students par Alligator

Je suis partagé. Entre le mauvais goût de cette histoire, le scénario grossier d'une part et la superbe photographie ainsi que la mise en scène plutôt soignée d'autre part.

Détaillons. La prof jouet sexuel de ses étudiants est un classique dans la fantasmothèque japonaise. Personnellement, c'est le premier film de ce sous-genre que je découvre. Peut-on en faire le pendant des comédies érotiques italiennes avec Edwige Fenech? Pas vraiment. Le traitement est complètement différent.

Ici, l'humour et la vision joyeuse du sexe sont totalement absents. C'est une caractéristique majeure des pinku eiga. Et pour l’œil occidental, cela peut être très mal perçu, en tout cas difficilement acceptable. Quelques fois certains auteurs parviennent à aller au delà et à créer un cinéma de haute tenue, transcendant la violence, le sadisme pour lui faire dire quelque chose de plus fort et même de contradictoire avec le machisme lisible a priori. Certains de ces cinéastes, comme Noboru Tanaka par exemple, arrivent à produire un discours féministe.

Mais parfois, l'idée que la violence envers les femmes n'est pas si grave, voire même un préalable érotique nécessaire est clamée avec une insistance ahurissante. C'est ici le cas. Par conséquent, c'est plus difficile moralement à avaler et à trouver des circonstances atténuantes, si j'ose dire. Une des femmes du film dit qu'elle a rêvé de se faire violer à une de ses collègues qui s'est faite violer quelques heures plus tôt. Le regard de cette dernière est rassurant : elle est ébahie par l'énormité de ce qu'elle entend. Mais plus tard, après un parcours sadien où elle se fera à nouveau violer deux ou trois fois, elle finit par y prendre du plaisir, donnant raison à sa camarade et à cette idée qu'un non veut dire oui. Je sais bien que c'est une "logique" érotique utilisée à de nombreuses reprises par la fantasmatique masculine. Mais ici, la forme prise pour raconter ce fantasme ne sert pas un autre discours, plus subtil. Pris au premier degré, cela reste au premier degré, cela ne contribue à rien de supérieur. Reste un goût nauséeux dans la bouche.

L'érotique japonais a ceci de fascinant qu'il interroge la sexualité sur un mode de fonctionnement relationnel entre homme et femme qui est a priori différent de celui des occidentaux. Je dis bien "a priori" parce que les occidentaux ne sont pas moins phallocrates que les japonais. Mais justement, leur univers fantasmatique a intégré cette donnée avec une telle force que les artistes, à commencer par les dessinateurs et les peintres, mais également les cinéastes, l'exploitent à foison, avec une liberté qui leur permet d'approfondir d'autres études, d'autres rapports sociaux, politiques, économiques et philosophiques. Le sexe et la violence ne sont que prétextes à des réflexions qui les dépassent. Or, sur ce film, je ne vois pas ce dépassement. Alors que chez un Tanaka ou un Wakamatsu, c'est évident. Voilà donc pour le négatif.

Mais le film n'est pas totalement à chier. D'abord, la petite Rushia Santô est dotée d'un physique intéressant. Je la trouve jolie, bien faite, mais surtout son visage est très expressif. Sa palette ouvre plusieurs portes d'entrées vers maintes émotions. Cette richesse est très agréable. Elle surprend, elle charme. La forme de son visage, la rondeur de ses yeux forment un tout mobile, finalement très mystérieux. J'aime beaucoup cette actrice.

Mais ce qui m'a le plus plu, c'est le grain de la photo. Yasuaki Uegaki livre sur un petit film comme celui-là un travail très impressionnant visuellement. Il y a quelque chose de velouté sur la peau, des couleurs très douces, suaves. Les corps sont très bien filmés.

Surtout, l'association entre les différents cadrages et l'orchestration des ombres et des lumières donne un ensemble esthétique parfois remarquable. Les scènes sombres sont très belles, notamment dans les vestiaires, dans les douches, etc. Ce travail formel est pour beaucoup dans la réussite de la mise en scène à créer une tension érotique, malgré ce que je montrais du doigt plus haut, malgré le propos simpliste et même dangereux qui nous est présenté.

Au final, ce pinku me laisse le cul entre deux chaises.
Alligator
5
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le 1 juil. 2014

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Alligator

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