Femmes en cage
4.4
Femmes en cage

Film de Jesús Franco (1976)

Parmi les différents sous genres qui définissent notre bien-aimé cinéma d'exploitation, le film de prison pour femmes (connu sous l'acronyme WIP pour Women In Prison) est sans doute l'un des plus controversés. Une formule facile (de plus) me direz vous, mais qui cache une réalité certaine : la censure (britannique au hasard) goûta peu au libertinage lesbien en milieu carcéral, filmé il est vrai par quelques mâles libidineux, pour spectateurs en mal de voyeurisme et de dérives sadiques en toc. Et parmi ses chefs de fil, faut-il s'étonner de voir figurer en premier le metteur en scène madrilène Jesús Franco ? Véritable instigateur du mouvement avec l'étatsunien Lee Frost (Love Camp 7), ce Frauengefängnis (Barbed Wire Dolls), sept années après le séminal L'amour dans les prisons des femmes (99 Women) et un Quartier de femmes sorti trois années plus tôt, signe (enfin) en 1975 son grand retour au genre. Premier WIP de la fructueuse collaboration avec le producteur/réalisateur suisse Erwin C. Dietrich, Femmes en cage dans sa version française ne déroge pas à la règle : un long métrage foutraque au budget minimaliste pour une relecture malade.

Calquée sur l'intrigue de 99 Women, l'histoire narre l'arrivée dans une île prison d'une nouvelle détenue, rôle initialement tenu en 1968 par Maria Rohm, désormais interprétée par Lina Romay. Cette prison est tenue d'une main ferme par sa directrice (Monica Swinn), secondée par le bon docteur Costa (Paul Muller) et sous la protection du gouverneur local. Emprisonnée pour avoir tué son père incestueux (Jesús Franco), la jeune Maria va très vite subir les pires outrages et autres sévices sexuelles. La jeune femme, aidée par la codétenue Bertha (Martine Stedil) décide de s'évader et de quitter cet enfer...

Tourné au Honduras, le film reprend ainsi les grandes lignes de son aïeul de 1968, en simplifiant au besoin le scénario : à l'origine la prison était mixte, les prisonniers et prisonnières étant cantonnés par secteur. Franco va à l'essentiel et rédige à loisir le cahier des charges des dépravations et maltraitances attendues : torture et viol sont le quotidien des jeunes femmes. Celui qui contribua à codifier le genre propose ainsi aux spectateurs le meilleur du pire du sadisme et du voyeurisme orchestré par Monica Swinn et son monocle en directrice lesbienne nazie, et son garde-chiourme joué par un Eric Falk tout en bestialité primaire.

De cette peinture flirtant avec la Nazisploitation, Franco rend une copie (fort heureusement ?) bancale. Les moyens mis à sa disposition ne peuvent décemment pas donner corps à cette ignominieuse fiction, le ridicule prenant rapidement le pas sur l'horreur. Le pénitencier en friche compte ainsi moins d'une vingtaine de prisonnières apathiques sous la surveillance de gardes potiches. La scène d'inceste et du meurtre du père de Maria est à ce titre un sommet du genre, celle-ci ne fut pas filmée mais (très mal) jouée au ralenti par Romay et Franco, pour un résultat des plus « expérimental ». Cependant, usant de zooms sauvages comme à l’accoutumé, l'espagnol sait néanmoins se faire pardonner... sa science du gros plans s’accommodant parfaitement avec l'ambiance malsaine souhaitée.

Et si le ridicule des situations tend rapidement à relativiser la portée ou la supposée complaisance des actes proposées, Frauengefängnis et sa distribution mérite néanmoins qu'on s'y attarde davantage. Dernier film du fidèle Paul Muller sous la direction du metteur en scène des Nuits de Dracula, l'acteur d'origine suisse campe avec un minimum de conviction l'archétype du personnage lâche, pseudo caution scientifique à ces atrocités. De même, l'actrice Monica Swinn tourne globalement à son avantage un rôle par définition ingrat, qui plus est en tenant compte des obstacles costumiers fournis par la production. Et ? Derrière cet amas foutraque se cache celle dont la filmographie se résume seulement à cinq films de Jesús Franco : la belle Martine Stedil. Filmée nue sous tous les angles (et quasiment dans toutes les positions), la jeune femme blonde illumine le métrage. Éclipsant une Lina Romay qu'on a connu plus inspiré en interprétant un personnage humilié à l'instar de ses consœurs d'infortune, Stedil justifie à elle seule le visionnage de ce crapoteux métrage aux portes du nanar.

PS : Il existe une version 90 minutes que nous n'avons (malheureusement ?) pas eu en notre possession... Pour 9 minutes supplémentaires de sévices en toc ?
Claire-Magenta
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le 25 déc. 2013

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Claire Magenta

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