Ferrari
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Ferrari

Film de Michael Mann (2023)

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Ouais, franchement, ce n'est pas terrible. Dire que le cinéma de Michael Mann n'est plus ce qu'il était touche à l'euphémisme, tellement on est abyssalement loin du niveau des grandes œuvres d'antan. La médiocrité est ici la grande gagnante.


Qu'est-ce qui pourrait rendre intéressant un biopic sur Enzo Ferrari ? Qu'est-ce qui rend sa vie réellement spéciale ?


Oui... le fait qu'il soit un ancien coureur automobile, ayant fondé sa propre marque de bagnole, et qui est plus passionné par l'idée que son nom soit associé à des victoires sur le bitume que par les chiffres de vente de ses véhicules à des personnes pétées de thune. On est d'accord que cette thématique aurait dû être le cœur du sujet de ce film.


Le tout aurait dû se concentrer particulièrement sur Ferrari, sur ses relations avec ses employés, avec ses pilotes. Sur son caractère tyrannique et jusqu'au-boutiste qui le pousse à ne pas hésiter à sacrifier ses poulains, sans sourciller, en exigeant qu'ils aillent à fond dans une discipline, dont le taux de mortalité explosait les compteurs, à l'époque durant laquelle se déroule l'ensemble (quelques mois de l'année 1957 !). Il y avait un potentiel de ouf sur les plans de la tension et de l'humain ici. Or, les pilotes, les employés sont juste résumés à des silhouettes sans consistance. Ce qui fait que quand il y a un coureur qui disparaît au volant de son bolide, l'indifférence domine du point de vue émotionnel. Et pourquoi avoir pris une actrice solide comme Sarah Gadon (dans le rôle de Linda Christian, la maîtresse d'un de nos kamikazes de la route !), juste pour placer une jolie blonde devant la caméra et rien d'autre ?


D'autant plus, pour en revenir à ce qui aurait dû être le cœur du film, que la séquence d'introduction, dans laquelle on voit Enzo Ferrari, jeune pilote, qui kiffe sa dose d'adrénaline, semblait annoncer que cela allait être par cet angle d'attaque qu'une partie de sa vie serait racontée. Mais, à part des incrustations dégueulasses (car très visibles à travers le grain trop lisse de ces dernières !) du visage d'Adam Driver (non, je ne ferai pas de jeu de mots pourri !) dans de véritables images d'archives, il n'y a rien à retenir de conséquent dans ces premières minutes puisqu'elles ne servent finalement à que dalle.


Bon, c'est sur quoi ce biopic ? Sur un type qui est déchiré par la mort de son fils. Ce qui n'a rien d'exceptionnel (malheureusement !), énormément (trop !) de familles connaissent ce type de tragédie. Bon, est-ce que le chagrin de Ferrari père endeuillé a une influence sur le comportement de Ferrari le boss ? Non ! Sur un type qui mène une double vie, ayant eu, en outre, un gosse avec sa compagne cachée. Est-ce que ceci a une influence sur Ferrari le boss ? Excepté sur un point, à propos duquel je vais revenir plus loin, non. Alors que l'idée de la filiation, celle de transmission auraient pu être exploitées (ce n'est qu'ébauché sur la fin lors de la "présentation" du fiston illégitime avec le demi-frère !).


Lot éventuel de consolation, est-ce que cela fournit de deux beaux personnages féminins ? Sachant qu'il est plus que légitime de s'y attendre quand ils sont incarnés par Shailene Woodley et Penélope Cruz, des noms pas franchement inconnus. Alors là, pas du tout. À part pour Le Dernier des Mohicans, la filmographie de Michael Mann étant habituellement et entièrement un cinéma sur les hommes, avec des récits qui relèguent naturellement les femmes au deuxième, voire au troisième plan, ce n'est pas une surprise de constater que qu'elles ne constituent pas un point fort du long-métrage. Sauf que là, elles sont au premier plan, jouées par des stars célèbres, et que, résultat, c'est très gênant de voir des rôles principaux sans la moindre profondeur.


La maîtresse se résume uniquement à une femme qui attend patiemment l'être aimé, voilà, c'est tout. L'épouse est simplement dépeinte comme une emmerdeuse acariâtre, tirant sans cesse une tronche d'emmerdeuse acariâtre, souhaitant faire chier le plus possible son infidèle mari en menaçant de foutre en l'air sa compagnie parce que c'est une emmerdeuse acariâtre. Non, le fait qu'elle soit une mère qui vient de perdre son enfant et qui, dans le même temps, apprend que mari a une double vie (gamin se portant bien en supplément !), qui a donc des motifs très compréhensibles de ne pas être au top de sa bonne humeur et d'être vénère, n'est pas ce qui est mis le plus en relief. Non, le plus important, c'est de souligner combien c'est une pauvre grognasse qui embête constamment ce pauvre Enzo. 95 % des moments lors desquels elle apparaît, c'est pour cela.


Je passe vite fait sur les scènes familiales avec tous les poncifs à deux balles d'une imagerie publicitaire débile pour souligner combien la famille, c'est trop bien, avec le père qui remet bien la couverture du lit de son fils pendant que celui-ci est en train de dormir ou alors courir comme un teubé dans une campagne forcément ensoleillée lors de la remémoration de jours heureux. Putain, même une publicité Ricoré est un chef-d'œuvre de subtilité en comparaison.


Ah oui, et les scènes de course automobile dans tout ça ? Elles manquent complètement de nervosité, peut-être parce que le montage est dénué de dynamisme. On ne sait pas toujours qui est dans telle caisse à tel instant (sans parler, pour rappel, que l'on n'est pas investi émotionnellement vu que les personnages de pilotes n'ont pas été creusés... on s'en fiche de leur sort, c'est ça le pire !). Et quand il y a des accidents, les effets spéciaux sont pourraves.


Les seconds rôles sont inexistants pour les raisons susmentionnées. Parmi les personnages italiens, joués par des acteurs d'une autre nationalité, il y en a qui ont un accent, il y en a qui n'en ont pas, sans aucune logique. Woodley et Cruz n'ont rien à défendre (ah oui, pour Cruz, là, ce n'est plus le cinéphile qui parle, mais l'homme hétéro bien moyen, en toute franchise, je n'ai jamais contemplé une actrice, s'approchant de la cinquantaine, encore aussi séduisante !). Adam Driver, qu'il porte des lunettes de soleil ou non, est désespérément inexpressif du début jusqu'à la fin.


La seule chose de positive ici, c'est la qualité de la photographie, captant bien la texture de l'Italie, son côté marbré, la beauté typique de ses paysages ruraux, verdoyants, avec une teinte récurrente couleur brique foncé. Je ne peux pas enlever ça au film.


Mais, globalement, c'est une méga-déception. Je ne m'attendais pas à ce que Michael Mann soit à son meilleur, la vieillesse venant impitoyablement, néanmoins je suis catastrophé de voir qu'un metteur en scène aussi talentueux soit tombé aussi bas. Ferrari finit totalement dans le fossé et mérite d'y rester.

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le 7 févr. 2024

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Plume231

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