En 1986, Disney sortit Basil, détective privé. Bien qu'excellent avec son atmosphère sombre presque adulte et son enquête entre un Génie du Mal et un détective brillant faisant monter l'adrénaline, le film fut un flop.
Et pour cause, ce fut cette année-là que sortit Fievel et le Nouveau Monde produit par Spielberg et réalisé par Don Bluth. Les sorties de ces deux films la même année déclenchèrent ce qu'on appelle aujourd'hui La Guerre des Souris (et pourtant, Mickey n'était pas impliqué) . Guerre qui fut remportée par notre chère souris russe.
Mais laissons ce contexte de côté et parlons de la fable américaine.


Notre histoire commence au XIXe siècle.
Fievel est un souriceau anthropomorphe de cinq ans obligé de fuir avec sa famille leur maison ayant été détruite par des chats. Ils choisissent l'Amérique car, selon une légende, il n'y a pas de chats en Amérique.
Mais lors du voyage, Fievel tombe du bateau emmenant les souris migrantes en Amérique. Cependant, Fievel survit et se retrouve en Amérique où sa famille vient de débarquer. Il fera alors tout pour la retrouver tandis que celle-ci désenchantera en voyant qu'il y a également des chats en Amérique.


Loin d'être une simple histoire de souris affrontant des chats, Fievel et le Nouveau Monde raconte l'histoire d'une famille juive obligée de fuir les cosaques réduisant à néant les juifs ainsi que celles de nombreux migrants fuyant l'oppression constante de leurs pays respectifs dans lesquels la pauvreté règne mais étant également dominé par les puissants ou encore les assassins...


...au point qu'une souris sicilienne parle d'un Parrain ayant dévoré sa mère.


La véritable intention du film est évidente quand le film met en parallèle des humains fuyant les Cosaques et souris anthropomorphes fuyant des chats habillés comme ces mêmes Cosaques; ou encore des migrants sans le sou faisant le voyage vers l'Amérique dans des conditions épouvantables...


...(bateaux délabrés etc)


...voyant leurs noms être changés par des douaniers les jugeant imprononçables pour des américains.


Fievel et le Nouveau Monde se démarque également d'autres films d'animation en choisissant un style de dessins aux couleurs sobres et une atmosphère triste loin des couleurs flashy et atmosphères enjouées que l'on retrouve souvent chez la souris aux grandes oreilles.


Mais si le film est visuellement beau, qu'en est-il de son histoire et ses personnages? Et bien, comme dit plus haut, l'histoire représente un fond de réalité avec les migrants européens fuyant les graves problèmes sociaux de leurs pays représentés par les chats de leurs pays respectifs.
Le fait qu'il y ait également des chats en Amérique démontre que ces graves problèmes sociaux ne disparaissent pas simplement en se déplaçant.
L'oppression est la même partout démontrant ainsi qu'il ne faut pas ignorer ou fuir un problème car cela ne l'arrangera pas. Le combat est la seule solution, ce que font les personnages du film.


Parlons maintenant de Fievel. Ce dernier se démarque des héros de films pour nos têtes blondes en agissant comme un véritable enfant: curieux, espiègle, intelligent mais toutefois assez naïf et manipulable par des gens mal intentionnés.


Ses nombreuses péripéties le feront grandir et lui permettront de devenir lucide dans un monde incertain où la peur règne au point qu'il en deviendra moins naïf malgré sa tristesse et les épreuves qu'il traverse durant sa mésaventure proche du voyage initiatique.


Il s'agit du premier rôle de Sauvane Delanoë qui était une petite fille à l'époque. Elle parvient à lui donner une vive énergie et des émotions fortes et réalistes au point que l'on est aussi tristes que Fievel quand celui-ci passe de désillusions en désillusions quand il pense avoir retrouvé sa famille alors que ce n'est pas le cas. Une interprétation émotionnelle forte pour la comédienne de doublage qui a avoué que ce rôle lui tenait et lui tient toujours à coeur à l'heure actuelle.


En ce qui concerne les autres personnages, ces derniers ne manquent pas de charisme.
Plus particulièrement Tony (Rachid Ferrache) à la fois drôle, convainquant et mature en servant de figure fraternelle à Fievel quand celui-ci n'a plus repère familial.


Bridget (Isabelle Ganz) est touchante en militante anti-chats et jeune fille bienveillante envers ceux étant dans le besoin leur venant en aide dès qu'elle estime que c'est nécessaire.


Gussie Sourisfeller (Perrette Pradier), elle, est juste excellente: parfaite caricature de l'aristocrate charitable avec un faux accent distingué donnant des fous rires à chacune de ses apparitions. Elle forme un parfait duo avec John Loyal (Christian Marin), son total opposé étant un ivrogne vulgaire tentant de jouer les bourgeois distingués.


Après, en ce qui concerne les autres personnages: autant être honnête, ils ne sont pas marquants. La famille de Fievel se limite à des figures bienveillantes et affectueuses manifestant tout l'amour possible à leurs enfant. Certes, ils ont des traits de caractère distincts mais basiques: le père exagérément optimiste (Roger Lumont), la mère autoritaire (Nathalie Nerval) et le bébé nommé Yasha (dont la seule fonction est de pleurer) mais rien d'exceptionnel.
La seule qui se démarque un peu, c'est Tanya (Géraldine Guyon), soeur de Fievel partageant une complicité touchante avec son frère au point de n'avoir pas besoin de preuves concernant le fait qu'il ait survécu en le répétant pendant tout le film. Cette dernière va même jusqu'à chanter pour son frère l'espoir dominant son coeur jusqu'au bout.
(on parlera des chansons et de la musique plus bas)


Parlons maintenant du personnage que tout le monde a retenu: le chat Tiger (Alain Dorval). Ce personnage allège l'atmosphère du film majoritairement oppressante bien plus que Tony. En effet, là où le premier est lucide, le deuxième est un benêt...


...confondant le rami et le poker...


...donnant le fou rire grâce à ses phrases absurdes dans le bon sens.


Maintenant, en ce qui concerne les antagonistes. Autant le dire tout de suite, l'antagoniste Boniface de Rat (déjà niveau nom bonjour l'originalité) n'a aucun charisme. Ce n'est qu'une version light du cocher de Pinocchio se servant de la crédulité du personnage principal ainsi que celles des souris de New-York pour en tirer profit.
Chiffre le cancrelat (Roger Carel), s'il n'est pas très intéressant également, se démarque du méchant principal en étant drôle avec son caractère ronchon et geignard donnant le sourire à chacune de ses apparitions.
Mais n'oublions pas les chats. S'ils sont une menace classique, ils se démarquent en étant montrés comme des bêtes assoiffées de sang bavant comme des chiens enragés...


...manquant d'avaler notre héros à plusieurs reprises.


...et souvent dénués de paroles contrairement à nos souris anthropomorphes comme pour symboliser des humains dans un environnement sauvage en proie à des prédateurs carnivores.


Voici maintenant le reste. En plus du reste des parallèles évoqués plus haut, les souris migrantes et des souris de la haute société s'unissant contre les chats symbolise les classes aisées et les classes populaires luttant contre l'oppresseur. Lutte montrant qu'être passif face à une menace n'apporte rien et que l'union fait la force contre un ennemi néfaste et tyrannique quelque soit votre milieu d'origine.


Parlons à présent de la musique. Celle-ci est composé par le regretté James Horner mondialement connu pour la BO culte de Titanic . Dans Fievel et le Nouveau Monde il nous livre une BO à la fois douce et mélancolique avec un thème principal marquant.
https://www.youtube.com/watch?v=KZZUmIj70_Y


On retrouve également des chansons sympathiques et entrainantes...


...dont celle-ci nous rappelant qu'être optimiste est essentiel dans les moments difficiles
https://www.youtube.com/watch?v=QkioDJzlVm4


Malheureusement, certaines sont gâchées par une interprétation approximative d'une voix semblant peu faite pour le chant.
Sauvane Delanoë a beau être une comédienne de doublage au talent indéniable rendant Fievel très attachant, sa manière de chanter est loin d'être un régal pour les oreilles: criarde avec beaucoup de fausses notes. Peut-être a-t-elle voulu se rapprocher de la voix originale de Fievel, Phillip Glasser, mais ça n'était pas une bonne idée celui-ci chantant également très faux.
Ainsi, la chanson principale du film, très loin là-bas...
https://www.youtube.com/watch?v=GN6iujk5bI0
...pourtant très joliment composée est gâchée l'interprétation n'étant pas du tout assortie à la musique douce, calme et très touchante.
Géraldine Guyon interprétant Tanya se débrouille bien mieux avec une voix plus calme et un ton plus doux proche du poétique très bien assorti avec la mélancolique chanson toutefois pleine d'espoir montrant un frère et une soeur qui, malgré la distance, gardent un lien plein de tendresse et d'amour espérant se retrouver tout au long du film.
Malheureusement, cela ne sauve pas la chanson pour autant Sauvane Delanoë gardant sa voix chantée peu écoutable jusqu'au bout.
Quel gâchis!


Pour finir, même s'il est imparfait, Fievel et le Nouveau Monde a bien plus de qualités que de défauts.
Si, quand on est enfants, on y voit une simple lutte de souris contre des chats, quand on devient adulte, on y voit bien plus: la critique du rêve américain, l'exploitation des migrants, la lutte conte une immonde injustice, la réalité de ce que vivaient de nombreux juifs durant l'Histoire avec un grand H...
Bref, un film à voir absolument par n'importe qui celui-ci étant plus adulte qu'il n'y paraît au premier abord.

BlackBoomerang
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le 25 avr. 2022

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