Pizza froide supplément hémoglobyne

J'ai grandi avec la licence Five Nights at Freddy's. Ce fut une licence doudou qui m'a accompagné durant une paire d'années, me plongeant dans un univers à la fois inquiétant et fascinant et qui m'a donné l'amour que j'ai encore aujourd'hui pour une bonne histoire d'horreur.

L'idée d'une adaptation au cinéma n'est pas neuve, puisque dès 2015, des rumeurs circulaient, mais le projet fut sans cesse reporté pour X raisons. Et enfin, en l'an de grâce 2023, Universal et Blumhouse nous pondent la tant attendue adaptation.

Le protagoniste de l'histoire est Mike Schmidt, un jeune adulte vivant seul avec sa soeur bien plus jeune. Ce dernier vit une vie difficile, enchaînant les échecs professionnels et étant hanté par la disparition de son petit frère qui s'est déroulée lorsqu'il était enfant. Il finit par trouver un travail qui lui permettrait de conserver sa maison et la garde de sa soeur : gardien de nuit chez Freddy Fazbear's Pizza. Un ancien restaurant à thème abandonné depuis des années et dont les mascottes traînent encore dans les locaux.

Même si j'avais hâte de voir le film, j'ai sans cesse reporter la date de visionnage. J'ai entendu à boire et à manger, certaines personnes considéraient ce film comme l'étron horrifique de l'année alors que d'autres le voyaient comme un chef-d'oeuvre. C'est donc l'heure pour moi de trouver l'entre-deux.

Rappellons quand même qu'en terme de qualité, Blumhouse c'est un peu l'anti-A24 dans le domaine des films d'horreur. Et pourtant, c'est peut-être l'un des films de la maison que j'ai trouvé le moins débile !

C'est pas un film d'une grande qualité, mais comparé à d'autres oeuvres horrifiques récentes, je pense qu'on est loin du fond du panier. C'est une adaptation qui est à la fois fidèle mais aussi libre des enclaves de l'oeuvre originale, avec une jolie patte esthétique, des acteurs corrects et un scénario pas si naze. J'ai vu beaucoup de gens râler sur l'histoire, mais je la trouve plutôt cohérente bien qu'un peu complexe (c'est pas Le Grand Sommeil non plus, hein). Il est important de rappeler que l'histoire des jeux FNaF est un labyrinthe spaghétique (le mot est de moi) qui comporte moultes incohérences, retcons et changements au fil des jeux. Difficile donc de faire un film simple sans passer par le milliard de théories et possibilités de cet univers. Après tout, Scott Cawthon, créateur de la série, a validé et produit le film, ce qui en fait un canon dans l'histoire des jeux !

Question mise en scène, bwoarf, rien à dire. C'est un film d'horreur classique, monté et réalisé comme tout un tas d'autres films d'horreur de série B. Pas de plans séquences, de symbolisme renoirien ou je-ne-sais quelle figure de style picturale. Pourtant il y a quelques idées sympas, des plans qui se font écho, l'idée du flashback et de la répétition des rêves est plutôt bien traitée.

Voir un film à 20 millions de dollars conçu pour faire baver des fans qui ont entre 15 et 23 ans traiter des sujets comme l'enfance brisée, les regrets du passé, ou les rêves avec une certaine puissance, ça a un certain mérite. Dommage que le film se force à osciller entre le slasher générique et le film psychologique plus complexe.

C'est surtout ça le problème : à quel public s'adresser ? À de jeunes adultes nostalgiques ? À des gosses ? À un spectateur lambda qui ne connaît pas la franchise ? C'est pareil pour le ton général : une comédie horrifique ? Un thriller psychologique ? Faut-il rester plus dans le présent ou dans le passé ? Je n'aime pas faire l'avocat du diable, mais une fois de plus, c'est vrai que c'est difficile d'adapter une saga de point'n click dont les histoires ne sont expliqués limpidement que dans des vidéos d'une heure enregistrées par des fans sur YouTube ?

Y-a-t-il vraiment des défauts, ou juste des coquilles ?

Si on est exclu la réalisation fade, bah j'y trouve pas vraiment de gros défauts au film. Peut-être juste quelques scènes en trop, des couacs d'incompréhension dans le scénar', mais rien de vraiment grave. C'était même plutôt divertissant ! Le film à beau ne pas savoir se placer sur l'échelle des genres, il parvient quand-même à créer des frissons aussi bien que des sourires (la prestation de Matthew Lillard en William Afton y est pour beaucoup).

Et en parlant d'émotions, j'avoue être ressorti plutôt triste de la salle de cinéma, pour plusieurs raisons.

La première était de me dire qu'en plus d'être un dédale vidéoludique et littéraire, FNaF va maintenant passer à la moulinette d'Hollywood, et qui sait combien de suites va-t-il y avoir ? Pas trop en tout cas, j'espère. La deuxième était un sentiment de vieillissement. Je regardais le public dans la salle de cinéma et je me sentais has-been. Presque d'un point de vue élitiste, moi qui avait découvert le premier jeu à sa sortie il y a presque dix ans, j'étais entouré de gens qui n'avaient pas plus de 16 piges et qui gloussaient à la moindre occasion. Oh quel sentiment affreux...

Quoi qu'il en soit, une page se tourne dans l'histoire de la saga. Une saga qui mourait lentement à petit feu, et qui, je dois l'admettre, devient plus accessible, parle à une nouvelle génération, et non plus seulement au boutonneux solitaire et fan de creepypasta que j'étais dans la cour de récré, il y a, ce qu'il me semble être une éternité.