Le music-hall est comme un mirage dans le désert : palais, cocotiers, chameaux. (voir ci-après)

...Chameaux ! Soudain tout disparaît et il ne reste que les chameaux !

Que vous le croyez ou non : en 1957, ce film a figuré à la 10° place du box office français avec
3 513 397 entrées dans les cinémas... Et il a été restauré en 2015, admirablement.
En 1957, la France et les français renaissaient avec les enfants du baby-boom et l'envie de s'amuser après la guerre, et Paris retrouvait de sa superbe sulfureuse : Pigalle et ses cabarets de strip-tease, le Lido, les concerts Mayol, le Moulin rouge... là où les jolies filles n'hésitaient pas à se montrer comme la nature les avait initialement conçues... Si belles déshabillées comme disait Cardin...
Le music-hall, mais aussi les revues devenaient de plus en plus coquins (le cinéma n'allait oser que bien plus tard) et on achetait "sous le manteau" dans les kiosques et à prix d'or "Paris-Hollywood" à côté duquel "Lui" ou Playboy" semblaient aussi comparables que Bécassine avec notre provocante BB....
Henri Decoin de son côté, produisait des films à la chaîne : quatre cette année-là, sans aucune autre intention que de faire du commercial "pur et dur". Comment donc résister à un titre pareil, prometteur de filles nues ou presque, surtout à une époque où le voyage à Paris n'était pas à la portée de toutes les bourses ? Comment profiter des délices et tentations parisiens en province ?
Tout est donc prétexte dans ce film à appâter le chaland de la France profonde...
Ce qui explique un film musical en un temps où les opérettes faisaient encore florès, et un scénario à trois mains ne pouvant déboucher que sur cette histoire misérabiliste et ces refrains insupportables...
Et pour qu'il y ait un héros et une héroïne, qui pouvait mieux incarner le mâle séducteur, de meneur de revue ...qu'Eddie Constantine (1997-1993) ?
De plus américain de souche dont la patrie ne voulait pas comme chanteur. Pour les françaises, le mec représentait encore les militaires US ayant délivré la France de l'envahisseur nazi, au délicieux accent "chewing-gum" qui agace de nos jours, bagarreur comme pas un ce qui faisait plutôt viril d'autant que les salles de catch étaient aussi "très tendance"...
Le voir faire aujourd'hui ces "bagarres de rues" alors qu'on manie de nos jours des kalachnikov pour résoudre des conflits semble tellement devenu puéril...
Quant au pauvre Eddie, à part "Cigarettes et whisky et p'tites pépées", il ne connut jamais la gloire comme chanteur en France non plus, et dut se résoudre à cachetonner dans des films de plus ou moins bon goût comme celui-ci : il faut bien vivre et faire vivre les siens.
Côté crooner, difficile de lutter désormais contre un Gilbert Bécaud qui allait finir par disjoncter lui aussi, (il se surnommait monsieur 100 000 volts) au profit d'Elvis Presley aux US et des Eddy Mitchell, Johnny Hallyday, Dick Rivers et consorts chez nous (...) qui allaient créer un raz-de marée musical envoyant tous les "anciens" en maisons de retraite.
Quant à Zizi Jeanmaire, elle fut et ne vécut que pour la danse et en fin de parcours comme beaucoup, dans des ballets plus ou moins vétues... Elle n'eut d'actrice que son propre rôle, sans attirance pour la caméra... Elle est décédée récemment à 96 ans en Suisse et en 2020 sans aucune commémoration que je connaisse, hormis celle de danseurs qui l'ont apprécié. Dommage. Elle laisse une fille de 66 ans en 2021.
Ce film n'est intéressant que parce qu'il est caractéristique d'une époque révolue, et dont on se demande commment elle a pu vivre et s'amuser sans télé, sans PC, sans smartphones.
Quant à la nudité féminine, elle est quasi-banalisée et les macs de Pigalle se sont reconvertis dans la drogue, plus rémunératrice. Cigarettes, Whisky et p'tites pépées ne vont plus ensemble et les vieux "bars-montant" de grand-papa fermés...
Ca va sembler bizarre auxx moins de vingt ans qui n'ont pas pu connaître tout ça et où le virtuel ne prenait pas encore le pas sur le charnel ! Heureuse époque disparue d'insouciance retrouvée après des années de guerre.
TV5 Monde le 20.12.2021