Au cours des dix dernières années, l’invasion du Liban en 1982 aura inspiré un renouveau du cinéma de guerre israélien avec notamment Valse avec Bachir (Ari Folman) ou encore Lebanon, premier film de Samuel Maoz qui a lui-même participé à la première vague militaire de 82. Cette fois le Foxtrot, danse de salon nord américaine, illustre une allégorie sur l’armée israélienne et le trauma de la guerre. Voilà qui n’est pas banal et le résultat est tout aussi surréaliste.



Une fable cinglante du désordre...



«Foxtrot» est une farce tragi-comique composée en trois actes et dans laquelle se mêlent les destinées du fils aîné Jonathan (Yonathan Shiray), que l’on dit tombé à un poste-frontière, puis celle du père et de la mère, effondrés, mais aussi celle des subordonnés de l’armée israélienne. Samuel Maoz compose avec une lenteur déroutante les abîmes au seuil du deuil parental. Dans un premier acte à Tel-Aviv, la caméra se déplace près d’un velux où l’on distingue une masse volubile d'oiseaux migrateurs, puis un plan sur le tableau d’un chaos très Pollock. Dès lors, l’allégorie prend forme et Maoz nous conte une fable cinglante du désordre.



Une surveillance surréaliste rythmée par le passage des dromadaires...



Le réalisateur s’échine à dépeindre l’absurdité de la guerre. Il y a une partie centrale, la deuxième, névralgique, celle de la bavure militaire de Jonathan et sa dissimulation par les gradés. Une scène jugée «anti-israélienne» et qui provoquera d’ailleurs la colère de la ministre de la Culture Miri Regev. Quoi de plus risible pour cette jeunesse israélienne que d’être envoyée en garnison à un checkpoint désertique; une surveillance surréaliste rythmée par le passage des dromadaires. Sous l'étendard du Foxtrot, cette danse surannée où les pas ramènent inlassablement au point de départ, Maoz cravache la mission patriotique et l’honneur militaire.



La perte d’un fils devient métaphysique...



Le troisième acte termine le conte comme une amère tragédie grecque. Michael Feldman, le père (Lior Ashkenaz), aura créé son propre châtiment. Samuel Maoz interroge les concepts de la foi, du destin et la fatalité de l’existence. Autant d’énigmes philosophiques irrésolues où miroitent deux générations traumatisées par la guerre. Pour ces parents, incarnés par Lior Ashkenaz et Sarah Adler, la perte d’un fils devient métaphysique. Un brin désabusé, le film pourra surprendre par sa narration éclatée et son rythme inattendu. Mais il rayonne de «Foxtrot» une thématique trop peu présente dans le cinéma contemporain et le réalisateur livre une métaphore acerbe qui fera nécessairement date.


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guardianalfred
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le 25 avr. 2018

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