Fractured
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Fractured

Film de Jamie Patterson (2018)

Un scénario avec un jeune couple qui loue une maison glauque pour y passer le week-end, et qui va avoir l’impression que des gens se sont introduits dans ladite maison, il faut avouer que c’est un concept qu’on a déjà vu des dizaines de fois pour peu qu’on soit un minimum fan de films horrifiques. Ajoutez à cela des autochtones au comportement très bizarre, et là c’est carrément le cliché. Sauf que le petit film indépendant Fractured va prouver qu’en étant très astucieux, il est possible de tromper n’importe quel spectateur, même le plus averti, et de faire quelque chose de bien plus original que prévu. L’exemple même de ce qu’un film d’horreur indépendant à petit budget devrait être. Non pas qu’il soit exempt de défaut, mais nous sommes ici en présence d’un film très malin. Il est très compliqué de parler de Fractured sans spoiler, et ça serait gâcher le plaisir de ceux qui pourraient s’y aventurer que d’en dévoiler trop de l’histoire. Mais on va quand même essayer, car il mérite qu’on s’y intéresse, ne serait-ce que pour son twist mémorable.


Fractured est en fait un film qui dure 40 minutes et qu’on va voir une deuxième fois dans la foulée mais sous un autre angle. Le film s’articule sur le principe du retour en arrière. Car sa force, c’est d’avoir mis son twist en milieu de film. Et cette deuxième partie, nous n’en parlerons pas, ni même du twist d’ailleurs. La grande intelligence du réalisateur, c’est de se servir de tous les clichés et poncifs du genre qu’on commence à tous connaître pour nous la mettre bien à l’envers. On comprend à mi-film qu’on nous a roulé dans la farine depuis le début. C’est une sensation extrêmement agréable de se faire surprendre par un film à l’heure où le cinéma de genre a souvent l’habitude de se reposer sur ses lauriers et de nous abreuver encore et toujours de la même recette. Plein de détails, au demeurant insignifiants voire inutiles, de la première partie, prennent immédiatement tout leur sens dans la deuxième. On se prend au jeu de faire constamment le parallèle et on se rend très vite compte à quel point ce film est malin, à quel point ce film est réfléchi, à quel point ce film est limpide.
Le rythme pourra sembler lent (mais pas ennuyeux), mais c’est ce qui était nécessaire pour développer une ambiance qui va très vite devenir malaisante. Le réalisateur veut très vite nous faire comprendre, via des ombres, des silhouettes qui passent au fond, que quelque chose va bientôt se produire. Quand ? Au départ on l’ignore. Mais on sait que ça va arriver. Le fait que le film se passe entièrement la nuit y est pour beaucoup sur cette sensation de malaise. Tout est sombre, oppressant, parfois un peu artificiel certes (c’est quoi ces ampoules qui n’éclairent quasiment pas ?) mais ça fonctionne immédiatement.


Cette ambiance, on la doit à la mise en scène très appliquée du réalisateur. Fractured est visuellement beau, avec des filtres assez sombres et des tons parfois très vintages, des effets d’ombres et de lumières étranges (dans le bon sens du terme). Jamie Patterson prend un malin plaisir à poser sa caméra dans des endroits inhabituels, très souvent en dehors de la pièce où se trouvent ses personnages, et la laisse parfois fixe, le temps de la scène. Le rendu est vraiment très intéressant et jamais on ne ressent le budget sans doute assez famélique du film. De plus, il a la bonne idée de ne pas trop jouer sur les jumpscare (il n’y en a qu’un seul), et c’est tout à son honneur. Même chose pour le gore, le film ne s’y aventure que très peu afin de ne pas tomber dans le granguignolesque et de garder son ambiance pesante intacte.
Ajoutez à cela un casting qui fait bien le job. Que ce soit Karl Davies (Black Sea, la série Chernobyl), ou April Pearson, une habituée du réalisateur (Tracks, Tucked, Caught), ils ont parfaitement compris comment interpréter leurs personnages, et retranscrivent à la perfection le travail en amont pour créer des dialogues les plus réalistes possibles, souvent cyniques, et qui permettent une connexion immédiate avec eux. Et pour couronner le tout, la bande originale accompagne le film de bien belle manière, jusqu’au générique de fin d’une bobine qui mérite vraiment qu’on s’y intéresse.


Fractured, c’est ce genre de petite bobine horrifique qui vaut son pesant de cacahuètes tant elle est maline, tant elle a autre chose à proposer que ce qu’on a l’habitude de voir. Mais un conseil, jetez-vous dedans sans avoir vu la bande annonce et sans avoir lu des critiques remplies de spoils.


Critique originale : ICI

cherycok
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Créée

le 19 juin 2019

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