La vague des documentaires à base d'enregistrements anciens continue de gonfler. J'éprouve une certaine admiration et étonnement devant ces cinéastes qui se sont emparés jeunes d'une caméra pour construire une oeuvre sur la durée, un peu comme un journal plus ou moins intime qu'on imagine pouvoir être publié plus tard ... quand l'un des protagonistes aura acquis une certaine célébrité par exemple (cf Orelsan).
Dans le cas de Chloé Barreau il s'agit d'un montage de fragments de vie centrés sur ses relations amoureuses, avec le dispositif particulier d'avoir réuni, 30 ans après, les protagonistes pour des entrevues où les souvenirs sont explorés.
Pourquoi pas, s'il y a quelque chose d'intéressant à dire?
Je n'y ai rien trouvé de vraiment intéressant.
Passé l'amusement de voir la jeunesse des personnes interviewées, d'éprouver la poignante mise en perspective du temps qui passe, il ne reste que des images d'époque un peu "sales" d'ados en construction, des interviews contemporaines bien léchées avec arrière plan flouté et rouge à lèvre de circonstance, et des propos de comptoir sur l'amour et le sens de la vie.
Cela n'a aucun intérêt.
Placer 25ans après ses amis devant la caméra est un exercice délicat. Certains sont réfractaires à se plonger dans leurs souvenirs pour les extérioriser, le jeu ne les intéresse pas vraiment, ils s'y plient parce qu'après tout, la démarche est exceptionnelle, et ils ne voudraient pas nuire au projet en refusant. D'autres, plus nostalgiques iront d'une petite larme quand on leur proposera de relire l'une des lettres manuscrites (et oui!) qu'ils avaient écrite à l'époque ... c'est mignon, mais bien vain.
La personnalité de Chloé qui tend vers la perversion narcissique, qui aime jouer avec ses amant.e.s comme un chat avec une souris, qui donne l'impression de ne pas se soucier des sentiments de l'autre et de la souffrance qu'elle risque d'infliger n'arrive pas à sortir de la banalité. Les ex qui la dédouane sont ceux qui n'éprouvaient pas de fort sentiment, par ex parce que gay. Les autres, les femmes notamment, relatent souvent la souffrance qu'ont constituée ses trahisons.
Le tout est soupoudré de sentence philosophiques à deux sous sur l'amour, la vie, la liberté.
Le manque de profondeur à venir est annoncé d'ailleurs dès le début, lorsque l'un des protagonistes affirme : "Nous étions des lycéens ordinaires du quartier latin, comme d'autres en province" ... énoncé irréel suivi peu après par un gros plan sur la façade d'Henri IV. Lycéens ordinaires ? Bien déconnectés des réalités sociales en tout cas. Est-il si normal et habituel que les parents partent régulièrement en WE de leur côté, laissant l'appartement parisien à disposition pour des nuits de fête, d'innocentes beuveries et de candides transgressions à la cigarette ?
Au final, ces tranches de vie feraient un bon substrat pour l'excellente émission "Les pieds sur terre" de France Culture : chaque épisode aurait présenté 2 ou 3 témoignages sur 30 minutes (en tout!) qu'on écoute en faisant la vaisselle ou une balade. Utiliser les vidéos d'archives s'avère ici une fausse bonne idée.