Aimer, vivre et pardonner réciproquement

Frantz, 2016, France-Allemagne, de François Ozon (Huit femmes, Swimming pool, Dans la maison, Jeune et jolie, L'amant double, ...) avec Paula Beer et Pierre Niney. Genre : romance/guerre/historique. Langue : français et allemand (sous-titré français - à la perfection - pour l'allemand). 1H53. Format : 2,35 sur 1. Noir et blanc majoritaire, et couleurs.


Pitch 5 premières minutes : un an après l'armistice de la première guerre mondiale, une jeune femme allemande se rend chaque jour sur la tombe de son fiancé.


Commentaires personnels : à ce jour l'un de mes deux films préférés, aussi nulle médisance à suivre. C'est ainsi : Frantz est un chef-d'oeuvre, qui, outre l'exceptionnelle qualité du noir et blanc dans la veine comparative de Manhattan de Woody Allen ou celle en couleurs presque monochrome du jardin anglais où erre Vanessa Redgrave dans Blow-up de l'italien Michelangelo Antonioni, marque, sur fond de mensonges et incompréhensions, par une ode à la réconciliation post guerrière, à la primauté de l'amour, à l'amitié entre les peuples : un hymne européen. Les acteurs sont tous à leur meilleur niveau, ou je ne sais la meilleur direction ; exceptions toutefois pour la nouvelle Romy Scneider, Paula Beer (Anna, la fiancée de Frantz), Ernst Stötzner (le père d'Anna) et Johann van Bülow (le futur hitlérien, prétendant d'Anna) qui dépasse le professionnalisme pour toucher au génie. Qu'on ne se méprenne pas, Pierre Niney (Adrien, le soldat français), Marie Gruber (la mère d'Anna), Cyrielle Clair (la mère d'Adrien), Alice de Lencquesaing (la fiancée d'Adrien) et Anton von Lucke (Frantz) y sont excellents. Ce film rend un immense service à la post-concorde toujours d'actualité franco-allemande d'après 45, située ici en 19 pour ne pas en faire un thème principal (à la manière de Captaine Corelli entre grecs et italiens), plus largement il démontre - il en est encore besoin - des origines enfouies de discordes et autres a priori pour mieux les annihiler. Ainsi les décors somptueux se présentent en sommes d'égales durées en Allemagne (de multiples endroits du village d'Anna et ses alentours) et en France (Paris d'avant guerre, hôpital miliaire d'après-guerre, gare et château de Saulieu), ainsi l'allemand parlé n'y est pas guttural (l'allemand n'est pas guttural, sauf nazis et antisémites), œuvrant pour montrer aux français que l'Allemagne est belle, simple et humaine, aux allemands que la France est belle, simple et humaine. Cette leçon nécessaire trouve en dialogues superbes son paroxysme dans une chambre et les jardins de la demeure d'Adrien (Pierre Niney) : la réciprocité des foyers respectifs, indispensables à la narration.



  • Non... Non, je ne pensais pas à Frantz, je pensais à vous Adrien.

  • À moi ?

  • Vous n'avez donc rien compris.


Frantz ne plaira sans doute pas aux aficionados de scénarios alambiqués et fulminants et autres adulateurs de violence et rapidité, aux anti union européenne, aux pro brexit, et/ou aux insensibles à la beauté révélatrice du noir & blanc maîtrisé, romantique et fascinant qu'ils jugeraient désuet et dépassé. Ou alors prendre le risque s'immoler par l'excellence ?


Note : Frantz détient le recors du nombre de nominations aux Césars (11 : photo, film, réalisateur, acteur, espoir féminin, adaptation, décors, costumes, montage, son, musique) ayant obtenu si peu de sculpture : 1 seule, photo, à Pascal Marti.

cestjeff
10
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le 15 juil. 2020

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cestjeff

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