"Pour moi, tu es un homme. Pour elle, tu es un jouet."

Pour faire plus fort que le Dracula et le Frankenstein d’Universal, Willis Goldbeck, sollicité par la Metro-Goldwyn-Mayer, songe à sa monstrueuse parade avec l'idée de mettre en scène de véritables phénomènes de foires victimes de malformations. Une idée grandiose, mais beaucoup trop effrayante pour le public de 1932, qui n’apprécie pas le résultat. Apparemment, la simple vision de ces individus aurait suffi au public pour se faire un avis défavorable de l’œuvre, preuve que l’époque a changée, et surtout que la tolérance a évolué. Heureusement, au fil des décennies le film se hisse au rang des classiques du cinéma, et c’est amplement mérité.


S’il est évident qu’il y a une part de voyeurisme un peu malsaine aux origines de la production, en la présence d’acteurs présentant des difformités et exposés pour leurs caractéristiques physiques, reste que l’histoire et l’intrigue sont tout à fait honorables et légitimes, et il va sans dire que le spectacle aurait été moins audacieux s’il avait utilisé des acteurs grimés. Par ailleurs, les comédiens sont plus que légitimes dans leurs prestations, grâce à leurs performances crédibles (la plupart d'entre eux sont issue du monde du cirque, peut-être étaient-ils habitués à jouer un rôle et cela explique leur aisance à jouer d’une manière juste). Ce qui fait toute la particularité de l’histoire c’est le contexte dans lequel elle se déroule, la manipulation de Cléopâtre sur Hans, à des fins pécuniaires, n’est pas une intrigue des plus originales, mais le fait que l’action se déroule au sein d’une troupe des curiosités en fait un spectacle audacieux. Les points forts du film sont ses personnages et son ambiance. Le film est très comparable à "Frankenstein" dans son approche qui consiste à nous démontrer que les monstres ne sont pas ceux que l'on croit, d'une manière, ici, un peu plus subtile et intelligente.


La scène finale, celle où l’on découvre le triste sort de Cléopâtre, est trop tirée par les cheveux, et, malheureusement, décrédibilise beaucoup l'âme de l'oeuvre. Comment prendre au sérieux cette chose qu’elle est devenue ? Il faut savoir qu’une scène a été retirée du montage final (parce que jugé trop violente par les spectateurs), cette scène expliquait justement les raisons de cette mutation, à savoir la foudre qui lui tombe dessus. Malheureusement, même en apprenant ces circonstances, on ne saurait justifier que cet accident puisse la transformer en canard humanoïde. Il faut le dire, c’est affreusement ridicule, et cette séquence est en parfait décalage avec tout le reste du contenu de l’œuvre, qui parait bien plus crédible. Il aurait suffi que Cléopatre soit mutilée, d'une manière ou d'une autre, et cela aurait été une fin suffisamment satisfaisante (oui, oui, elle le mérite), il était inutile d’invoquer des forces fantaisistes grotesques à cette fin.


Si le dénouement sous cette forme m’a déçu, l'idée générale m'a convaincu. J’ai même adoré. Bien qu’un peu court, et d’une certaine manière, un peu sommaire dans l’intention, l’histoire fonctionne bien. Le cadre est intéressant, tout comme le contexte. J'ai largement préféré ce film à d’autres du même genre et de la même époque (« Frankenstein » et « Nosferatu le vampire »). Le film est un chef d'oeuvre, oui.

Casse-Bonbon

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