Frères
6.4
Frères

Film de Olivier Casas (2024)

Dans la longue liste des films que l'on peut mettre sous la banderole : belle histoire, bonnes intentions mais film raté, celui-ci pourrait faire office de maître étalon. Si le synopsis ne nous disait qu'il s'agit d'une histoire vraie et que le générique de fin ne la replaçait (enfin) dans son contexte, on aurait du mal à y croire tant les nombreuses ellipses et invraisemblances le jalonnent. L'histoire débute donc en 1948, Patrice (Pat) et Michel (Mic') font partie des centaines de milliers d'enfants que la guerre a laissés sur le carreau. Il s'agit des "enfants perdus", abandonnés par leurs parents pour de multiples raisons. Celle de nos deux petits héros n'est pas banale (et je vous la laisse découvrir au cas où... car c'est une aberration de l'administration française pas piquée des hannetons, comme on disait dans les années septantes). Le jour où leur mère doit venir les chercher dans la maison bourgeoise où un couple les a recueillis (avec beaucoup d'autres enfants), elle ne vient pas. "Oh ben, elle a dû oublier" leur dit-on gaiment car dans ces années là on ne s'embarrassait guère de psychologie même si Françoise Dolto n'allait pas tarder à sévir. A la suite d'un drame dont Pat se sentira éternellement responsable, même s'il est à l'origine d'une belle action courageuse (là encore, je vous laisse découvrir au cas où), les deux enfants se sauvent dans la forêt voisine. Le sens pratique de l'un (il deviendra architecte), l'instinct de survie de l'autre (il deviendra médecin) vont leur permettre de survivre pendant sept ans sans que personne jamais ne s'inquiète de leur disparition. Comme on peut le constater sur l'affiche, les deux enfants se sortent indemnes de cette existence en forêt et quelques décennies plus tard, Mic' brillant architecte, marié et père de deux enfants quasi adultes reçoit un appel du Québec. La compagne de Pat est sans nouvelles de lui depuis plusieurs jours. Mic' lâche tout, travail, famille, patrie et part à la recherche de son frère bienaimé à qui (selon la voix off assurée par Yvan (sa nouvelle spécialité)) il doit la vie. Les retrouvailles se font dans une cabane au fond des bois où ils vont de nouveau vivre pendant plusieurs mois avec un peu plus d'expérience en matière survivaliste et un peu plus de matériel aussi. Les deux garçons n'ont rien perdu de leur complicité et comme jadis se serrent l'un contre l'autre pour se tenir chaud. Ils jouent aux échecs aussi et le suspense est insoutenable !

Le film ne va donc cesser d'alterner entre passé et présent. Nous découvrirons donc que les enfants ont eu très froid, pas trop souvent peur, qu'ils se blottissaient l'un contre l'autre l'hiver, faisaient des batailles d'eau l'été dans la rivière, qu'ils ont compris qu'en vomissant après avoir mangé cette baie ce n'était pas bon et que faire du feu pour faire cuire le poisson c'était bon. Quant aux adultes, ils se parlent peu mais se comprennent bien et ont développé l'un envers l'autre un attachement fusionnel. Pat', le plus sensible, est le plus marqué par ces années et ne cessera de répéter qu'il s'agit là des meilleures années de sa vie qu'il n'a jamais retrouvées depuis. Matthieu Kassovitz offre les seuls moments d'émotion du film. Yvan Attal semble plus contraint par les difficultés de son frère qu'il doit constamment secourir.

C'est mou, lent et les nombreuses ellipses laissent un sentiment d'inachevé malgré la longueur du film (1 h 46). Mais en sortant on s'interroge. Comment ont-ils réellement fait pour survivre durant tout ce temps ? Pourquoi les différents adultes rencontrés au fil des années laissent-ils ces deux minots sapés comme des clochards seuls ? Quel intérêt de faire apparaître la mère puis la grand-mère sans en faire plus de cas ? Comment en étant déscolarisés pendant sept ans deviennent-ils architecte et directeur de service d'un hôpital ? Et aussi (surtout ?) qu'est-il arrivé à Pat' lorsqu'il a disparu deux jours durant, s'approchant d'une autre cabane... ? Merci de donner au spectateur le bonheur de laisser libre court à son imagination. Les suppositions les plus terribles sont alors au rendez-vous...

Créée

le 29 avr. 2024

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