Fuocoammare... car oui, il y a bien le feu sur l'océan, la tragédie est là, elle se déroule maintenant sur nos côtes européennes et nous sommes aveugles. C'est ce que crie silencieusement ce documentaire, où seules les images parlent puisque les commentaires sont absents.


Pour ce faire, le réalisateur a choisi de filmer en parallèle deux mondes géographiquement proches mais qui ne se côtoient jamais : celui des "boat people" qui cherchent l'asile en Europe en passant par Lampedusa et le quotidien des habitants de l'île italienne. La confrontation de la vie de ces derniers, simple mais tranquille, avec l'horreur que vivent des centaines et des centaines de personnes fuyant leur pays est douloureuse et donc d'autant plus révoltante, "électrochoquante" même. En effet, on alterne entre le rire face à ce jeune garçon, si sûr de lui, qui occupe ses journées en jouant avec sa fronde et l'horreur face aux images des embarcations remplies de cadavres que secourent les gardes-côtes. Pendant tout le film, on attend la rencontre entre les deux mondes. Mais les migrants et les habitants de l'île ne se croiseront jamais puisque désormais les secouristes interviennent en haute mer et rapatrient les migrants dans un circuit fermé : bateau, port, bus, centre. On ne peut s'empêcher de penser qu'il s'agit d'une manière d'accuser le manque de réaction de l'Europe qui se met des œillères, évite le sujet et ne parle des migrants qu'avec des chiffres, détournant le problème humain en problème économique. Ce documentaire recentre le débat.


Cela étant dit, le film n'est ni pessimiste, ni moralisateur. Les sauveteurs en mer, l'Armée italienne et les garde-côtes, nous apparaissent très humains. On ne peut qu'admirer leur courage et leur combat face à la misère qu'ils découvrent au fil des jours et des embarcations de fortune. Et on pense également à toutes les actions citoyennes qui ont vu le jour, notamment la mise à flot de l'Aquarius par l'ONG "SOS Méditerranée" !


Fuocoammare éloigne les idées reçues - notamment celles du "migrant = envahisseur intéressé par les allocs et à fort potentiel djihadiste" (certes, je caricature... mais si peu malheureusement !) véhiculées par certains discours politiques et médias - et réintroduit de l'humain dans la question migratoire. Un rappel nécessaire.

Point-virgule
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le 6 oct. 2016

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