Gangs est une peinture urbaine qui vise les vies précaires d’une jeunesse perdue et insouciante dans les bas-fonds, ces petites mains d’une criminalité qui les utilise à bon escient. De la chair à canon aux existences friables qui sont conditionnées par l’environnement dans lequel elles errent, à l’image d’âme en peine, où l’ennui est interrompu par le jeux dangereux des guerres de territoire. Cette petite délinquance, Lawrence Ah Mon nous la montre de façon crue, à l’état brute, sans fioriture. Ses membres sont des pions condamnés à une survie permanente, sans échappatoire possible et à une meilleure vie inaccessible tant l’environnement sclérosé qu’ils habitent les condamne à répéter leurs erreurs. Ils empruntent un style de vie sans lendemain et incertain, abandonnés à eux-mêmes, sans réelle présence d’adultes. Les parents de Big K et Little K, les seuls montrés à l’écran (si ce n’est la grand-mère de Little Demon) semblent désarmés face à un destin qui s’acharne toujours plus. Pris dans le rouleau compresseur de la marginalisation, nous suivons ces personnages à la dérive, sans repère et sans espoir.
La crasse quotidienne de Gangs s’accroche à eux, eux qui n’avaient perçu les conséquences de leurs actes. Très vite, les affrontements laissent place à une fuite, une planque qui nourrit les tensions intestines au milieu de la lassitude et de la débrouille. L’amitié devient friable, les doutes s’installent et nos protagonistes s’enfoncent toujours plus dans la déchéance et la frustration. Trahit par ceux qu’ils croyaient, ils n’ont d’autre choix que de continuer à faire appel à la violence ainsi qu’à la prostitution parce qu’accablés, aux pieds d’un mur dont le tableau se noircie encore avec la cruauté du viol qui les frappe. Lawrence Ah Mon rend son film éprouvant, une force évocatrice peu commune par la forces des images qui en découlent, celles de ces situations dures et désespérées qui font froid dans le dos. Il se pose là, un regard neutre, sans appel mais qui communique tout de même une certaine forme de plaidoyer destiné à cette jeunesse issue de quartiers malfamés. Quant au dénouement, il redéfinit les cartes de la criminalité avec des jeunes loups aux dents longues qui n’ont que faire des anciens. Là aussi, la cruauté qui frappera terminera d’entériner toute issue possible.
Par une forme sobre et maitrisé au contenu coup de poing, les méandres d’une jeunesse esseulée Lawrence Ah Mon fait de Gangs une œuvre cinématographique qui restera un long moment en tête. Il parvient à retranscrire avec véracité la réalité de cette survie cruelle. Son propos doit également beaucoup à ses jeunes acteurs et actrices. Leurs interprétations apportent une dimension singulière à ces personnages dépeints et rendent à l’écran ce côté « vrai ».
(voir peloche et + : https://hongkongmovievideoclub.wordpress.com/2014/09/01/gangs-1988-lawrence-ah-mon-avis-review/)