Co-scénariste et réalisateur, Claude Miller a su s'entourer de talents pour cette tragédie sur laquelle plane l'ombre de Simenon : Jean Vautrin comme co-scénariste de cette adaptation d'un roman de John Wainwright, Michel Audiard aux dialogues, Bruno Nuytten à la photo, Georges Delerue à la musique !
Et quels acteurs ! Arrivé à un âge où il n'a plus besoin de jouer de ses poings, Lino Ventura peut donner toute la mesure de son talent dramatique : un regard, une moue suffisent pour qu'il soit magnétique. Dans le rôle plus complexe de Martinaud, Michel Serrault est au même niveau, parfois arrogant, parfois pitoyable, ne cherchant même pas à cacher son désespoir et sa solitude derrière ses pitreries. Si Guy Marchand, dans le rôle de Belmont, personnage brut de décoffrage, allège parfois l'ambiance, il peut aussi la tendre encore davantage : le clown peut être inquiétant. Comme nous sommes dans un film noir (où la violence reste hors-champ, à part au niveau des mots...), il faut aussi une garce : Romy Schneider a beau ne totaliser qu'une vingtaine de minutes à l'écran dans ce qui devait être un de ses derniers rôles, elle est magistrale dans le rôle d'une femme vénéneuse, trop fière pour admettre qu'elle a elle-même gâché sa vie, peut-être le personnage le plus négatif qu'elle ait incarné.
Sous prétexte de découvrir un criminel, Miller fait l'autopsie précise d'espoirs déçus, d'existences ratées. Un film bavard et quasiment sans action, pourtant haletant et captivant, où le savoureux se mêle à l'acide, c'est une belle prouesse !