Alors c'est clair, il faut aimer Baz Luhrmann. Excentrique, habitué aux films à frasques, aux paillettes et au grandiose, à ces époques désuètes, joyeuses et tragiques à la fois, j'ai abordé son œuvre avec mille précautions, toujours un peu frileuse en songeant à des Moulin Rouge et compagnie (dont je ne cesse de repousser le visionnage).
Ignare du roman de Fitzgerald, j'ai abordé Gatsby avec un esprit vierge et, je dois le dire, curieux. Un film avec Leonardo DiCaprio ne peut pas être foncièrement mauvais (exception faite de l'Homme au masque de fer bien sûr).
On n'échappe pas à la démesure, à l'excès, à une esthétique parfois discutable mais qui, pour ma part, m'a largement convaincu. Le film se présente en fable délicieuse, portée par la performance sobre mais touchante d'un Leo dont le sourire et la coupe de champagne sont entrés pour de bon dans la légende d'Hollywood. On comprend l'accueil incroyablement positif de la critique professionnelle quant aux décors et aux costumes. Directement propulsés dans ce New York des années 20 à la fois miséreux, indécent, inconscient du péril prêt à frapper la grande Bourse quelques années plus tard, les personnages tiennent à la fois du romanesque et du trivial, inspirés par un romantisme, un sens du caprice et du lyrisme réussi.
Certains s'étonneront de mon emphase, et me reprocheront ce 7+ un peu sévère. C'est que je ne peux passer outre le jeu plus que passable d'un Tobey McGuire semblant être pris au piège de son propre reflet : condamné à observer l'ascension irrésistible de son ami d'enfance DiCaprio, au charisme incomparable à côté de ses mines fades et d'une véritable absence de jeu. Un manque de talent rabaissant définitivement Nick Carraway au rang de témoin passif et narrateur discret de l'histoire des grands de ce monde. Peut-être que ma déception relève également d'un manque d'ambition : celle d'aller plus loin encore, de creuser jusqu'au bout de la tragédie auréolant Jay Gatsby, au risque de rendre le film plus sombre.
Entre mafia, jazz, prohibition et implacable choc des classes sociales, la demi-mesure n'existe pas. New York étincelle plus que jamais, envoûtante et cruelle, personnage à part entière, complice muette. Une BO intrigante et pertinente brise les lois du temps en scindant Années folles et troisième millénaire. Elle nous projette sans mal vers le cœur froid, gelé par le vert des dollars du couple Buchanan, au pragmatisme terrible, mais lucide.
Un très beau moment de cinéma.