Le Coup de Cœur de ce Festival de Cinéma d'Alès 2021, et pourtant, on ne s'y attendait pas. On nous avait dit "Ça s'appelle Gaza" (tout court) en nous désignant deux colosses stupéfiants qui en sont les réalisateurs (Arab et Tarzan Nasser, des frères jumeaux qui ont fuit Gaza), on s'était donc dit qu'on allait passer un mauvais moment devant un film bourrin et patriotique, où les femmes font papier-peint (on venait d'en voir un dans ce style)... Et le film de démarrer, et une bonne grosse claque de nous arriver en plein visage. D'une douceur et tendresse extrêmes, d'un humour décalé et rafraîchissant (un peu à la façon des frères Coen : c'est inattendu, mais follement intelligent), avec des magnifiques messages engagés qui nous ont mis le cœur au rythme de celui du papy... On a fondu, il n'y a pas d'autres mots : on a fondu. Il n'y a qu'à voir ce papy qui aimerait déclarer sa flamme à sa couturière (qui, d'après ses regards, aimerait bien aussi qu'il y arrive...) mais se voit pris dans une affaire de vol de statue antique par le Hamas (un élément du scénario tiré d'une histoire vraie, incroyable), avec en plus la sœur du papy qui n'arrête pas de vouloir se mêler de sa vie amoureuse ("ne l'épouse pas, j'ai mieux !", ce qu'on a pu en rire !). Parce que l'amour n'est pas réservé aux jeunes, que le troisième âge peut tomber épris comme un petit garçon timide (ces regards tendres, ces mots bafouillés...), et qu'on ne le voit pas assez souvent dans les œuvres, surtout en temps de guerre, on ne peut qu'applaudir l'idée. On remarque aussi le message anti-guerre si bien dépeint par la scène où le petit papy observe des jeunes palestiniens regarder une roquette avec les mêmes yeux que les siens lorsqu'il croise sa couturière... Tomber amoureux de la guerre, de la mort, de la haine de son prochain, voilà tout ce qui désole ce papy (en même temps que nous), et place Gaza mon amour dans un engagement pacifiste qu'on ne soupçonnait pas. On a aussi adoré le personnage de Hiam Abbass, la fameuse couturière qui a son mot à dire sur le mari qu'elle veut ("plutôt seule que mal accompagnée"), qui tente de faire du pied à cet homme qui se dandine, le rouge aux joues sans arriver à dire les trois mots qu'elle attend, et qui n'est jamais montrée autrement qu'égale à n'importe quel personnage masculin. Ça fait du bien, vraiment. J'ai ensuite pu discuter un bon moment avec les deux réalisateurs (qui sont deux grands nounours d'une amabilité et gentillesse confondantes : ne jamais se fier à l'étiquette), qui m'ont expliqué que le papy est un portrait de leur père (d'où la forte sympathie qui en émane) dont quelques habitudes sont visibles à l'écran (les cassettes audio que leur père importait de l'étranger et leur faisait écouter en boucle pour éviter la radio pleine de propagande, que l'on aperçoit lors de la scène de la fouille de la maison, et surtout que l'on entend dans la BO). Évidemment, ils m'expliquent que leur film est interdit sur le territoire Palestinien (et eux aussi, par la même occasion), mais qu'ils espèrent faire bouger les mentalités à l'international, pour n'importe quel conflit. Un "Faites l'amour, pas la guerre" dans lequel les deux frères veulent croire fermement, tandis qu'on opine du bonnet (tout à fait d'accord). On reste aussi un peu émus de cette symbolique collaboration entre deux réalisateurs palestiniens et des acteurs israéliens, qui donnent une si belle œuvre : on peut rêver face à ce que l'altruisme peut produire... Soyons naïf, un instant, ça ne fait pas de mal. En tout cas, ces deux grands costauds savent l'être avec une immense dose de douceur et d'intelligence, et leur film nous a vraiment fait fondre le cœur comme une guimauve au soleil. Un chant d'amour profond à la paix, au troisième âge, aux femmes, à tous ceux qui préfèrent les fleurs aux fusils. Envoûtant.

Aude_L
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le 17 juin 2021

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Aude_L

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