le 26 nov. 2025
SPOIL : Moueh
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Vu en avant-première avant-hier, Fabrice Eboué était présent à la fin de la séance pour une très sympathique séance de questions-réponses à la sauce stand-up. Merci SensCritique pour l'invitation.
Si Barbaque était une crotte de nez envoyée par Eboué à la "gauche vegan", avec Gérald le Conquérant, c'est plutôt la droite identitaire qui prend.
Personnage principal de cet énorme hommage à Strip-tease, tourné en mockumentaire, Gérald est un réactionnaire névrosé, complètement cinglé, profondément idiot. Malsain, naïf, inconséquent, égoïste, parfois méchant, souvent ridicule, toujours jusqu’au-boutiste. Mais par-dessus tout, Gérald est Normand. En tout cas, il veut absolument être le plus Normand des Normands. Il vénère l'histoire de la Normandie (surtout la période médiévale), en maîtrise même le patois. Il admire tellement Guillaume le Conquérant qu'il veut lui dédier un parc d'attraction, le "Puy du Fou de la Normandie". Dans sa ferme pédagogique, il partage de façon violente et disproportionnée sa passion pour les spécificités des vaches normandes (sachez-le, ELLES ONT DES LUNETTES). Il est obsédé par la lutte contre le "grand-remplacement" des autres races de vaches qui corrompent le "vrai lait normand". Il déteste les Parisiens qui envahissent ses terres avec leurs résidences secondaires. Il crache sur les Anglais qui veulent se venger de Guillaume. Surtout, il exècre les Américains : il est convaincu qu'un GI afro-américain a violé sa grand-mère lors du débarquement de 44. En total conflit identitaire entre sa racisation métissée et son "normandisme" (jusqu'au bout de sa teinture blonde), victime des blagues xénophobes et racistes de ses potes du bar du coin, en perpétuelle propagande pour la grandeur de sa région, il est rejeté par tous... Sauf par sa mère, sa compagne Madeleine et son beau-fils Albéric – un personnage franchement abruti, passionné par les explosifs, à la limite de la caricature psychophobe et classiste du débile profond de la campagne, mais qui est attendrissant par l'amour et l'admiration qu'il porte à Gérald.
Niveau caractérisation, le personnage de Gérald n'a donc quasiment aucune nuance, et la fin du film le démontre d'autant plus. Il est bête, bête à en faire mal aux bêtes, et ira jusqu'à commettre l'irréparable pour défendre ce en quoi il croit, jusqu'à mettre en danger ceux qui l'aiment. Si certaines séquences permettent de comprendre l'origine de son mal-être et de créer un peu d'empathie, ces légers passages attendrissants sont immédiatement contrebalancé par sa profonde stupidité.
Est-ce un film sur la folie de ceux qui vouent un culte à leurs origines ? Une charge politique contre le nationalisme débile et la crainte du grand remplacement ? Une pique à tous les identitarismes ? Une critique sociale de l'abandon des campagnes profondes à la précarité, à l'alcool et à la solitude ? Ouais, un peu.
Surtout, il s'agit d'une comédie. Une sacrément con, cruellement drôle. Eboué s'est éclaté, ça se sent à chaque image, ses comédiens vivent, improvisent, jouent. Les séquences sont joyeuses, vraiment débiles. Une idée sur deux n'aurait pas passé le coche dans une production classique. Les séquences à la radio locale ("Mickey c'est un rat comme tous les américains") sont à tomber, les moments "éducatifs" avec les enfants pareil. Dès le début, la surenchère de n'importe quoi t'attrape, bien aidée par le dispositif : un cadre particulièrement efficace, qui joue beaucoup des regards caméra, toujours dosés avec justesse, techniquement excellent.
Alors pourquoi pas 8 ou 9, si j'ai autant ri ? Parce que la référence à la "taqiya", balancée comme ça, qui reproduit sans aucune critique une énorme source de stigmatisation pour les personnes musulmanes. Parce que le personnage de Madeleine, dont le ressort comique vis-à-vis de son nom et de son physique n'est jamais désamorcé. Parce que le beau-fils, cliché parmi les clichés.
Là se trouve tout le paradoxe de Gérald le Conquérant : sa force comique repose sur son refus de se poser des limites. Jusqu'à, forcément, à un moment donné, produire n'importe quoi, dont des blagues sexistes, racistes et classistes, sans faire l'effort d'éviter de rire avec Gerald, et non pas de Gerald. On me répondra que le sort des personnages de Gerald, de Jean-Claude et du barman (Nicolas Berno !!!), les plus explicitement racistes, désamorce, au moins un peu. Je répondrais que ce n'est clairement pas suffisant. La séquence de la taqiya, vraiment, non.
Reste le sentiment d'avoir passé un moment sacrément agréable, des larmes de rires au bord des yeux, et d'attendre avec impatience la prochaine connerie d'Éboué.
Créée
le 27 nov. 2025
Critique lue 400 fois
le 26 nov. 2025
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