Germinal
7.4
Germinal

Film de Albert Capellani (1913)

Pas sûr que la version très outrée (et pourtant issue du cinéma parlant, elle) de Claude Berri en 1993, étonnamment nimbée de tendresse dans mes vieux souvenirs (l'effet "Renaud jeune", sans doute, qui tranche de plus en plus avec cette silhouette qu'on aperçoit de temps en temps claudiquer devant une caméra pour chanter quelque chose de très gênant), résiste à un nouveau visionnage. La description de la dureté des conditions de vie des mineurs et de leurs familles dans le Germinal de 1913, que l'on découvre à mesure qu'Étienne Lantier se familiarise avec ce milieu, paraît plus pragmatique et intéressante dans cette première adaptation de Zola signée Albert Capellani 80 ans auparavant.


Une chose étonnante, tout de même : là où la violence des rapports de classe était exacerbée (quel que soit la qualité du résultat) dans le film le plus récent, avec gros plans sur la houille qui salit les visages et émasculation post mortem de l'épicier profiteur et pas vraiment en conformité avec les revendications #metoo, la version de 1913 s'efforce d'atténuer la dimension subversive et l'inclination à la révolte. On retrouve cette édulcoration dans quelques cartons tentant de réconcilier les travailleurs et les dirigeants mais aussi et surtout dans la séquence-clé où la police militaire tire sur les grévistes et tuent la fille du directeur qui tentait de s'interposer, liant ainsi dans la mort le destin des différentes parties. Une scène d'une grande modernité sur le plan dramatique, dans la mise en scène de l'inéluctable, précédée d'une longue montée en tension avec d'un côté la colère qui monte du côté des ouvriers et de l'autre l'arrivée des bataillons militaires.


Germinal vaut également le détour pour la combinaison de séquences en extérieur, en plans larges presque documentaires (certaines scènes dans des ateliers métallurgiques au début du film y sont clairement associées), et de séquences en studio pour reconstituer les décors souterrains de la mine : la première descente, ces vues en immersion (simulée) dans les galeries, au milieu des boisages que l'ingénieur jugera défectueux, la longue attente finale lorsque trois mineurs se retrouvent coincés au fond après une explosion... mais aussi les routes campagnardes que Lantier parcourt, jolis moments rustiques, ou la vie dans les corons. La révélation au sujet d'un mineur qui est en réalité une femme, trahie par sa chevelure, fera d'ailleurs l'objet d'un très bel écho tragique avec l'un des derniers temps forts, lorsque le corps inanimé d'une personne est remonté, avec seulement un bras et une chevelure dépassant du drap.


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Morrinson
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le 10 juil. 2020

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