Fille. C'est une belle jeune fille que l'on voit dès le premier plan, s'occupant de son petit frère. La caméra ne la lâchera pas de tout le film, entre vie d'ado en famille, cours de danse classique et suivi médical. Lara est une ado, donc de fait en transition. L'ironie c'est que Lara, à l'inverse de tant d'autres, a déjà choisi son identité, objet de crise dont font l'objet bon nombre d'adolescents. Mais elle doit laisser construire son corps et subit avec une impatience terrible la longue transformation physique: elle se veut déjà femme.
La caméra nous lâche sans pincettes au milieu des corps combattants. Combat de danseuse, pour échapper à la loi de la gravité autant qu'aux conventions sociales, malgré les pieds qui saignent et les larmes qui roulent. Combat de fille, pour exister en tant que tel aux yeux des autres, mais surtout à ses propres yeux. J'ai trouvé malheureux que, dans le contexte actuel du débat sur la place des femmes dans la société, Lara accepte totalement et avec complaisance de cuisiner, faire la vaisselle ou servir le vin. C'est comme réduire son courage à une faiblesse réactionnaire.
Les corps sont les véritables personnage de ce film, ce sont eux qui sont filmés, qui nous parlent. C'est le visage poupin et envoûtant de Lara. C'est son corps mutilé, ses pieds et son sexe. Ce sont les corps mis à nu pendant la douche collective, tendus par la chorégraphie ou libérés dans l'eau salvatrice d'une piscine.
A l'image de Lara, qui doit apprivoiser son corps, outil de séduction et moteur de sa vocation, nous nous questionnons sur l'usage de notre regard sur l'autre, voyeur et mal intentionné ou respectueux et solidaire.
Girl est un film d'une beauté saisissante, portée par Victor Polster, qui donne un sens au corps, un corps à la fluidité du genre. Un film qui joue avec nos nerfs et avec nos hormones, en somme.