En regardant ce film, (et d'ailleurs en ne regardant ne serait-ce que l'affiche), la première chose qui frappe est peut-être le look de ce nouvel (ou ancien ?) Godzilla. En effet, on supprime des disques-durs le T-rex-iguane à gueule carrée du précédent film de Roland Emmerich pour revenir aux sources : des pattes avants d'alligator, des pattes arrières d'hippopotames (une bipédie donc évidente) et une carapace qui tient presque autant de l'armure médiévale que du crocodile, le tout surmonté d'une tête courtaude mais tout à fait effrayante.
On reprend donc l'esthétique global du Godzilla originel de Tomoyuki Tanaka, tout en lui enlevant tout de même ce côté Playskool, les moyens (et les attentes) de 2014 n'étant objectivement pas tout a fait ceux de 1954. Ce point est donc, à mon sens, parfaitement réussi, puisque on parvient à revenir aux "premiers Godzilla" (vierges d'un certain nombre de bavures commises par la suite ?) tout en l'adaptant suffisamment pour qu'il ne paraisse pas ridicule au milieu du paysage cinématographique contemporain.
De plus le monstre insecte volant (MUTO dans le film) n'est pas sans nous évoquer Mothra, un des ennemis de Godzilla les plus connus de la mythologie kaiju.
Ajoutons à ce retour aux sources réussi, une esthétique, tout à fait moderne pour le coup, globalement brillante : si, si quand même ! Certaines prises de vues, notamment dans les scènes nocturnes, sont, osons le mot, proprement bluffantes, nous écrasant sous le gigantisme des grosses bestioles tout en parvenant à instaurer une atmosphère brumeuse, cauchemardesque qui nourrit le suspens et qu'on aimerait rencontrer plus souvent.
Un film réussit donc ? Oui sauf que non.
Parce que si on nous offre effectivement de très belles images, le scénario, le jeu, le discours, bref tout le fond du film (parce que oui, un film c'est aussi ça, les enfants, faudrait voir à pas systématiquement l'oublier) n'est pas du tout à la hauteur.
Commençons par les personnages. Et oui, dans un film de monstre le casting ne se résume pas au monstre lui-même : les machins tous roses avec des bras et des jambes qui gigotent dans tous les sens, c'est important aussi. Je veux dire, c'est important de les travailler, pas de nous recracher des mini-histoires pré-mâchés sans la moindre profondeur ou des fiches persos éditées au format industriel tels que le jeune-fils-qui-ne-parle-plus-à-son-père-mais-a-fondé-une-petite-famille-modèle (sa femme est infirmière et lui-même est dans l'armée), le gros-militaire-bourrin-qui-comprend-rien-à-rien-mais-qui-n'est-pas-une-tapette, le scientifique-asiatique-que-personne-n'écoute et j'en passe. C'est chiant.
Et un personnage qui n'a pas d'histoire (ou une histoire de merde) ça se conjugue presque automatiquement avec un acteur qui joue mal. Et on se lasse très vite de voir des gens froncer les sourcils et ouvrir bêtement la bouche pendant deux heures de film, je vous jure.
En passant, a-t-on seulement penser à prévenir Aaron Johnson que la caméra était en train de tourner ??
Bryan Cranston, le seul qui aurait peut-être pu porter sur ses solides épaules l'ensemble du film, ne fait finalement qu'une apparition assez brève.
Mais surtout, ce qui plombe complètement le film c'est à mon avis, le scénariste qui s'est complètement emmêlé les pinceaux entre références aux histoires originelles et petites adaptations "modernes" destinées sans doute à inscrire le film dans l'univers contemporain. En effet, Godzilla est d'abord présenté à maintes reprises comme la réponse de la Nature au comportement de l'Homme, et le réalisateur Gareth Edwards expliquera lui-même : “Pour moi, [Godzilla] est comme la colère de Dieu ou sa vengeance pour la façon dont nous nous sommes comportés". Puis, Watanabe nous explique finalement que le rôle de Godzilla est de chasser les MUTO pour rétablir l'équilibre naturel.
Tout d'abord de quel équilibre sommes nous en train de parler puisque les MUTO sont sensés être, comme Godzilla, des monstres préhistoriques qui peuplaient la Terre avant les dinosaures ? Ils sont, eux, parfaitement naturels. Donc, l'ennemi de Godzilla, c'est les humains qui s'en prennent à la nature ou d'autres monstres géants qui vivaient à la même époque que lui ?
Il me semble que tout ça est assez chaotique et manque un peu de sens.
On veut, en fait, à la fois faire référence au Godzilla monstrueux, destructeur, qui incarne le traumatisme d'une époque et la nature indomptable, et en même temps évoqué le Godzilla qui se développera dans les années 60 et qui combat cette fois les autres monstres géants qui constituent, eux, la vraie menace, se plaçant cette fois en protecteur de l'Humanité ou en gardien naturel du Bien opposé au Mal incarné par les autres kaijus.
D'ailleurs dans le film, Godzilla ne s'en prend pas réellement aux humains, mais plutôt aux MUTO, qui sont ces véritables proies. Il ne détruit le Golden Gate (qui, en passant, prend quand même cher dans le cinéma de cette décennie) que parce que les militaires-qui-ne-comprennent-jamais-rien lui tirent dessus en premier.
S'il incarnait la réponse de la Nature face aux humains, pourquoi esquiverait-il brillamment le porte-avion en plongeant sous lui quand il arrive à Hawaii ? Pourquoi à la fin du film, regagnerais-t-il l'océan d'où il est venu sous l'émerveillement des humains qui pleurent de joie pendant que les écrans géants titrent "savior of our city". Ca vous fait l'effet d'une réponse de la Nature aux comportement des Humains ça ? Non, ce Godzilla est définitivement un protecteur, pas un destructeur, allant donc à l'encontre d'une des aspirations avouée du film.


En bref, Godzilla, de Gareth Edwards est un film de monstre qui en surpasse beaucoup par sa beauté esthétique et qui aurait pu être bien plus qu'un simple film de kaiju parmi d'autre, il aurait pu être un grand film, une révolution du genre.
Au lieu de ça il est, comme tant d'autres, un ensemble plans somptueux écrasant un scénario piétiné.
Tellement dommage.

PorcoRosso
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le 28 oct. 2015

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PorcoRosso

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