Note : cette critique ne contient aucun spoiler.


Initiée en 2014 par le Godzilla de Gareth Edwards (sans vraiment le consentement de ce dernier), le MonserVerse des studios Legendary Pictures et Warner Bros. s’enrichit d’un épisode supplémentaire avec ce Godzilla : King of the Monsters. Si Edwards proposait un film perfectible, mais fourmillant de bonnes idées de mise en scène, il ne voyait pas forcément son film comme faisant partie d’une franchise. C’est donc sans lui que les studios continuent d’exploiter le filon des Kaijū les plus célèbres du cinéma et cela se ressentait déjà dans Kong : Skull Island, qui n’offrait qu’un spectacle brut, noyé sous des tonnes de CGI, dénué de toute forme d’émotion. Alors, avec ce deuxième volet des aventures du lézard géant, le MonsterVerse fait-il preuve d’un semblant de cohérence ou même, tout simplement, d’intérêt ?



Roi déchu



Le film s’ouvre en nous présentant le point de vue d’une famille essayant de retrouver, en vain, son fils parmi les décombres de la catastrophe causée par Godzilla et les Muto, pendant l’affrontement final issu du premier film. Suit à cette tragédie, la famille se sépare : le père continue sa vie de reporter animalier tandis que la mère et la fille partent vivre à l’autre bout du monde, en Chine (où se trouve un sublime temple pré-colombien, oui oui). Car le docteur Emma Russel, la mère donc, travaille pour Monarch, l’agence secrète pierre angulaire de cet univers partagé, qui étudie et confine les Titans, ces monstres venus d’un autre âge qui sont depuis en état de stase aux quatre coins du globe. Alors que le monstre confiné se réveille doucement, et commence à saccager le poste d’observation, Emma parvient à le calmer en utilisant un appareil qu’elle vient tout juste de mettre au point : l’Orca. Ce système permet donc d’imiter les sons émis par les Titans et de communiquer avec eux afin de les réveiller, de les leurrer ou encore de les guider.
Pas la peine d’aller plus loin dans le synopsis du film pour que tout le monde devine les futurs embranchements de cette trame scénaristique, convenue au possible. Le film essaie de dérouler ce scénario qui n’est qu’un prétexte à l’affrontement de monstres titanesques en nous faisant suivre le point de vue de Mark Russel, ex-mari d’Emma, et celui de sa fille qui reste auprès de sa mère. Mark voyage de bases secrètes en sous-marins, tout en passant par des avions furtifs dans l’unique but de retrouver sa famille déchirée. La crédibilité de ce brave père de famille pour se retrouver dans toutes les situations à risque du film ? Aucune. Il recherche simplement sa fille, qui est avec son ex-femme et dont les motivations douteuses et son Orca attirent toutes les convoitises. Apparemment, c’est un objectif suffisant pour discuter de la marche à suivre avec les plus grands amiraux de la flotte de différents pays ou de Monarch, dont l’équipe est constituée des plus grands clichés de scientifiques du cinéma moderne : la chercheuse asiatique, calme et réfléchie ; le chercheur américain, pince-sans-rire ; le représentant de Monarch, gaffeur, etc… C’est un défilé. Même le script ne vient pas sauver le film : il se prend les pieds dans le tapis de nombreuses fois, en se contredisant d'une phrase à l'autre de manière presque constante.


En parlant de clichés, évoquons l’aspect le plus navrant du film : son côté kitsch. Déjà, tous les décors dans lesquels évoluent les personnages humains sont constitués en grande majorité d’une salle d’opération. Soit elle est au sein d’un complexe, d’un sous-marin, d’un avion. Mais ces décors d’une pauvreté confondante sont tous interchangeables et font furieusement penser à ces séries des années 90-début 2000, où ces salles de commandes sont bardées de Leds, de graphiques en tout genres et de néons flashy. Bon, du coup, peut-on se consoler du côté des Kaijū, point faible du film d’Edwards ? Pas vraiment. Le bestiaire vient piocher dans les ennemis les plus classiques de Godzilla depuis sa création : King Ghidorah, Rodan, Mothra, etc… Là encore, c’est confondant de classicisme, même si le film a le mérite de respecter les designs issus de la Toho, maison de production japonaise détentrice des droits, on ne peut pas dire qu’ils soient réjouissants. Ghidorah ressemble à n’importe quel dragon lambda (bon, c’est raccord avec le monstre original) et même Godzilla n’est pas vraiment mis en valeur, tant il dégueule de couleurs flashy et autres néons. Alors certes, on pourra dire que le film répond aux critiques de 2014 et que cette fois, il en montre du combat de Titans, sauf qu’il le fait très mal. Chaque affrontement se fait dans le noir, sous des tonnes de pluie ou de cendres, qui empêchent d’apprécier le travail des animateurs et concept artists, peut-être les seuls qui ont fournis un travail acceptable sur ce film.


Côté interprétation, c’est également le néant absolu. Kyle Chandler est complètement absent, Vera Farmiga affiche la même expression pendant tout le métrage et Millie Bobby Brown, star de la série Stranger Things, fait ce qu’elle peut avec son personnage insupportable et dont les décisions sont toutes plus idiotes les unes que les autres. Mention spéciale à Charles Dance, dont les lignes de dialogues se comptent sur les doigts d’une main, qui campe un écoterroriste à la tête d’une organisation paramilitaire capable de prendre le contrôle d’une base entière de Monarch en ne tirant que 2-3 coups de feu (véridique). Même Bear McCreary, auteur de la bande originale du film fournit le minimum syndical. Vraiment, tout le monde est absent du film.


Après un Godzilla prometteur et un Kong : Skull Island très décevant, ce Godzilla : King of the Monsters ne fait qu’orienter la franchise vers une série de blockbusters qui misent tout sur le spectacle, en oubliant tout le reste. Si les films sont taillés pour le marché chinois (où ils cartonnent), il n’en reste que l’avenir semble bien sombre pour cette série, qui cherche bien trop à faire exister son univers partagé au sein de films incohérents, alors que le public occidental commence justement à se lasser de ces franchises qui n’ont qu’une logique purement commerciale. On remarquera d’ailleurs que dans cette critique, le nom du réalisateur n’est pas évoqué une seule fois. Normal, vous mettez n’importe qui à sa place, vous avez le même film. Ce MonsterVerse finira sa chute en 2020, avec l’affrontement entre Kong et Godzilla mais on connait déjà le perdant : le spectateur.

Exosfear
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le 13 oct. 2019

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