"Qu'est-ce qu'on s'est fait tous les deux ? Qu'est-ce qu'on va faire maintenant ?"

Qu'il est commode à l'heure actuelle de critiquer le mariage, ce pacte social dit "dépassé", autant qu'il est aisé de se moquer des diktats archaïques de la société Occidentale. Certes critiquer les normes sociales c'est bien, je n'en dis point le contraire, mais le faire avec nuance c'est toujours mieux. Et ça David Fincher l'a bien compris.

C'est une petite prouesse que d'avoir réussi à parler d'un sujet comme les relations homme-femme de manière aussi captivante, notamment par le biais du genre "film à énigmes", tout en restant le plus nuancé possible.

Ayant été récemment déçu par le très moyen The Killer, j'avais totalement oublié ce que c'était que de voir du bon Fincher ! Il n'y a pas un seul moment dans le film où l'on décroche notre regard de l'écran. Le long-métrage est, à l'image des précédentes œuvres du metteur en scène, conçue comme un puzzle captivant, dans lequel, dès le début du scénario, le spectateur possède, entre ses mains, les clés de la résolution de l'intrigue. Sauf qu'ici, point de tueur en série, seulement une histoire de couple.

Gone Girl, c'est purement et simplement un thriller sur un couple : un homme et une femme lassés, brisés, torturés par leur vie de couple devenue monotone. Et la manière d'introduire la thématique centrale du film, à environ un tiers du récit, est absolument brillante! ça laisse le spectateur en suspense et en éveil. Le spectateur pense, au début du récit, qu'il a affaire à un simple film de meurtre ou d'enlèvement conventionnel. La voix off et le journal d'Amy laisse en effet présager, dans un premier temps, une vie de couple parfaite, brisée du jour au lendemain par un kidnapping. Mais il n'en est rien. L'élément perturbateur n'est pas extérieur mais intérieur au couple : Amy se sent abandonnée par Nick.

Certes, le point de vue du film sur la question du mariage est radical, frôlant parfois le pessimiste exagéré, mais le propos concernant les relations homme-femme, lui, parvient à être nuancé. Le réalisateur arrive à bouleverser les stéréotypes si bien qu'après visionnage, le spectateur ne sait pas réellement de quel côté se ranger: le côté féminin ou le côté masculin ?

Le manichéisme n'a a priori pas sa place dans le film de Fincher, simplement parce qu'on a accès aux deux points de vues des personnages. On comprend ainsi les motivations de chacun, et on arrive à avoir autant de compassion (et de haine) pour Nick que pour Amy.

Certes les moyens utilisés par Amy pour parvenir à ses fins sont extrêmement pragmatiques et démesurés, mais avec un mari aussi indifférent que Nick, peut être est-elle pardonnable ?

Certes les adultères et excès de colères de Nick sont condamnables, mais après tout, il voulait demander le divorce et semblait faire preuve de rédemption, peut être, est-il excusable lui aussi ?

La phrase finale en OFF prononcée par Nick ("Qu'est-ce qu'on s'est fait ?") et le plan final sur le visage d'Amy viennent rendre compte de cette ambiguïté omniprésente. Le film se clôt sur les deux personnages mais séparés par l'image et le son : symbole d'une rupture impossible à réparer ?

C'est d'ailleurs cette ambivalence omniprésente, notamment en ce qui concerne l'écriture du personnage féminin d'Amy, qui est à l'origine des nombreuses accusations de misogynie de la part de certains médias lors de la sortie du film. Assez ironique quand on sait que c'est exactement ce que dénonce l'œuvre de Fincher à savoir le manque de nuance des médias. Les médias apparaissent dans Gone Girl comme le monde des faux-semblants, de la manipulation d'information, et du manichéisme absolu. En ce qui concerne Amy, c'est un personnage féminin complexe, bien loin des représentions stéréotypées de la femme du cinéma Hollywoodien classique par exemple. Amy c'est une femme de génie, par la complexité du piège qu'elle a su mettre en œuvre, mais, c'est aussi une femme brisée et tourmentée, par son mariage et sa vie de couple monotone, allant jusqu'à commettre l'impensable : tuer. Les personnages ne sont pas juste "méchants" ou "gentils", ils sont, malgré leurs tares et leurs vices, vrais et humains.

Le film nous fait finalement comprendre que dans un couple rien n'est acquis, tout est à (re)faire et à (re)construire. La phrase finale prononcée par Nick "Qu'est-ce qu'on va faire ?" pose la question suivante: est-il possible de refaire couple après la rupture ?

Cast17
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le 15 févr. 2024

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Théo Cast

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