En 2003, date de la sortie de ce film, bien des choses faisaient partie du passé comme la chute du Mur, la réunification des deux Allemagnes, les chutes des régimes de l'Europe de l'Est. En 2003, on pouvait parler de tous ces évènements fondamentaux pour l'Europe avec un peu moins de passion.
Cependant, j'avais été réticent pour aller voir ce film dont les gens, à l'époque, disaient du bien. Je craignais un positionnement ou revanchard ou nostalgique ou, pire, moraliste. A la sortie, j'étais enchanté et amusé car le cinéaste, Wolfgang Becker, avait subtilement évité tous les pièges et avait bâti un film au-delà de toute considération politique. Juste un film sur la vie.
C'est l'histoire d'une femme est-berlinoise, très impliquée dans la vie sociale au temps de la RDA. A la suite d'un infarctus, elle tombe dans le coma et lorsqu'elle se réveille huit mois plus tard, la RDA n'existe plus suite à la chute du Mur puis de la Réunification. Pour éviter tout choc émotionnel, son fils organise son retour à la maison dans une ambiance totalement est-allemande et se fait aider par les voisins restés un peu nostalgiques.
Mais les faits sont têtus, le fils a beau développer des trésors d'imagination, la façade se lézarde peu à peu obligeant le fils à s'enfoncer dans le mensonge puisqu'il en arrive à démontrer que si la circulation automobile a tant augmenté, c'est que les allemands de la RFA sont venus en masse se réfugier en RDA … Intéressante d'ailleurs, cette utilisation de l'image de la chute du mur et de la ruée des gens de l'Est, où le commentaire suffit à inverser la vérité !
Il y a plusieurs épisodes très cocasses où le spectateur rit même franchement.
Mais le film a surtout un autre intérêt qui est une réflexion sur le mensonge. Le mensonge qui sauve, le mensonge utile mais aussi le mensonge qui isole. Il y a le mensonge par omission ou le mensonge innocent. Le mensonge qui installe une imposture ou qui trompe sciemment.
Le mensonge s'oppose à la vérité. Mais toute vérité est-elle toujours bonne à dire ? Certains malades n'ont pas envie de connaître la vérité les concernant et préfèrent qu'on leur mente. A certaines autres vérités douloureuses liées à une vie antérieure ou à un passé honteux, le mensonge par omission peut permettre de préserver une situation ou de repartir à zéro. Mais le mensonge est aussi à associer à un risque si la vérité se fait jour.
Et le film nous confronte à toutes ces sortes de mensonge. La mère qui finit par avouer qu'elle a menti à ses enfants à propos de son mari, parti à l'Ouest. Le fils qui ment pour éviter un choc à sa mère. Mais toutes les personnes n'ont pas le même degré d'acceptation du mensonge ou du risque associé au mensonge. Ainsi la sœur ou la petite amie, infirmière, n'admettent que difficilement le mensonge et aimeraient une normalisation plus rapide.
Ce qui est très beau dans le film c'est que le mensonge finit de lui-même par s'effondrer dans de magnifiques et touchantes scènes comme celle de la mère à la maison de campagne ou encore celle de la mère qui observe, attendrie, son fils en train de regarder la dernière émission fabriquée alors qu'elle sait désormais la vérité. Je n'oublie pas aussi la scène de la rencontre, émouvante, du fils avec son père.
Film très bien mis en scène et très bien et tendrement joué, pas manichéen du tout et se refusant à tout parti pris.
Film assez inoubliable ne serait-ce que par ce débat si fondamental dans la vie sur ce couple infernal mensonge versus vérité.