Reprenant le modèle du film choral déployé dans Love Actually, Richard Curtis signait avec The Boat That Rocked une véritable lettre d’amour aux radios pirates de sa jeunesse : nonobstant son cuisant échec commercial, ce second long-métrage lie passion, nostalgie et fantasme dans un écrin historique lui donnant un peu plus de corps qu’escompté.
Pourtant, quitte à égratigner en premier lieu l’incommensurable plaisir qu’il suscite, il convient d’en souligner les limites : s’inspirant librement de Radio Caroline, et reprenant les grandes lignes d’un contexte politico-culturel turbulent, The Boat That Rocked n’est guère crédible à ce petit jeu. Se faisant l’écho d’une atmosphère rock’n’roll brisant les tabous d’une Angleterre puritaine, les machinations de Sir Alistair Dormandy s’inscrivent à tel point dans l’humour du film qu’elles en oublient leur rôle d’élément perturbateur.
N’ayant de cesse de tourner en dérision l’infortuné Twatt, ou de pousser Kenneth Branagh toujours plus loin dans la parodie bouillonnante, il est finalement difficile de prendre au sérieux des circonstances pourtant sérieuses. Fort heureusement, le potentiel comique du tout sauve la face et se couple plutôt bien au cœur du sujet : Radio Rock et son équipage de personnages tous plus fantasques les uns que les autres, creuset d’une ribambelle de sketches, punchlines et morceaux de camaraderie contagieuse. Seul bémol : l’intrigue de Carl et son père, certes attendrissante, peine à exister dans tout ce joyeux bazar (le fait que Bob soit inconnu de tous ou presque est aussi drôle que révélateur).
Comme évoqué plus haut, The Boat That Rocked se veut savoureux à l’envie : car pour peu que nous passions outre son goût pour l’outrance (quitte à être invraisemblable, cf. ce mariage puis divorce express), sa galerie d’énergumènes improbables convie alchimie et énergie enchanteresse. Bien aidé par sa distribution exceptionnelle (Seymour Hoffman, Frost et tant d’autres), le long-métrage parvient à justifier sa longue durée en ne levant jamais le pied : ballet de virilité, libération des mœurs, clichés de rigueur et portraits mémorables, il dispose tant de cordes à son arc que sa tenue n’en est que plus remarquable.
Si nous pourrions alors lui reprocher sa propension pour l’emphase, son jusqu’au-boutisme nous conduisant jusqu’à cette catastrophe finale à la sauce Titanic (mais au dénouement autrement plus heureux), gageons qu’il est surtout question de symboles : au risque de trop grossir le trait, d’ailleurs à l’image de ses disc jockeys assimilables à de véritables rockstars, The Boat That Rocked troque le réalisme à la (disons) « biopic » pour une fable moderne décomplexée, grinçante et idéaliste d’une époque, d’un exercice aujourd’hui révolu… du moins en partie.
Car le Rock, lui, ne mourra jamais.