Une partie de chasse au faisan dans un manoir britannique des années 30, l’occasion pour l’aristocratie de se réunir… ainsi que leurs serviteurs. Ce jusqu’à un meurtre façon whodunit. Robert Altman signe là une vision très acerbe de la société d’époque. Entre les riches prétentieux et snobs, et des servants hypocrites et sournois soumis à des règles très strictes, personne n’est épargné ! Un portrait au vitriol assez similaire à « La Règle du Jeu » de Renoir dans ses idées et son contexte, si ce n’est que le film de Renoir avait eu le culot de décrire ses contemporains.

Par contre soyez prévenus, clairement Robert Altman se moque du meurtre et de l’enquête policière. Ils n’arrivent que dans la dernière partie, malgré de nombreuses préfigurations visuelles ou narratives sur l’identité de la victime. Ce jusqu’à convoquer un inspecteur qui n’est qu’un funeste incompétent. Ce qui intéresse le réalisateur, ce sont les relations entre tous ces personnages, et leur quotidien, le film se voulant presque documentaire dans ses détails.

Là-dessus, on ne peut que saluer la qualité de reconstitution des décors, costumes, et manières. Ou les nombreuses allégories visuelles avec lesquelles s’amusent le réalisateur. Par exemple, l’un des premiers travelings, représentant une flaque d’eau et des branches qui tombent plus haut telles des racines déconnectées du sol, illustre l’écart entre les deux mondes représentés.

La faiblesse du film réside dans la grande multiplicité des personnages, plusieurs d’entre eux n’ayant peu ou pas de développement. Honnêtement, le premier acte peut facilement perdre un spectateur inattentif. Je me demande bien pourquoi le scénario contient autant de personnages, si c’est pour ne pas les utiliser ? Ils ne seront même pas évoqués comme suspects du meurtre, l’enquête policière étant à peine effleurée. De même, la plupart des sous-intrigues n’auront que peu d’influence sur le récit.

Mais heureusement, cette galerie est interprétée par une hallucinante liste d’acteurs. Il serait vain de tous les citer, mais plusieurs sortent du lot. Maggie Smith en comtesse capricieuse et piquante. Michael Gambon en hôte absolument infect, détesté de la plupart de ses convives. Ou Ryan Philippe qui étonne en valet louche à l’accent écossais (!).

Plusieurs spectateurs ont plus tard pointé du doigt les similitudes entre ce film et la série « Downtown Abbey ». Et pour cause, non seulement le scénariste est le même, mais la série avait été initialement conçue comme un spin-off de ce film !

Redzing
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2002

Créée

le 23 sept. 2022

Critique lue 36 fois

3 j'aime

4 commentaires

Redzing

Écrit par

Critique lue 36 fois

3
4

D'autres avis sur Gosford Park

Gosford Park
Ugly
7

Maîtres et valets

Robert Altman décortique avec ironie la face cachée d'une famille anglaise et d'une société, je ne l'aurais d'ailleurs pas imaginé être le réalisateur d'un tel film, à l'esprit aussi British, mais en...

Par

le 6 oct. 2017

20 j'aime

8

Gosford Park
Kabuto
7

Chroniques de la bonne société anglaise

Une parfaite évocation de la société anglaise des années trente avec les aristocrates d'un coté et les serviteurs de l'autre. Un monde fascinant fait d'hypocrisie, de mensonge et d'apparence. Alors...

le 26 juil. 2011

20 j'aime

3

Gosford Park
Fatpooper
8

Des gens et des ombres

Voilà un autre Bob que j'apprécie. Je n'ai pas vu grand chose de la longue filmographie du réalisateur, mais chacun des films vu m'a procuré beaucoup de plaisir. Je ne sais pas si sa version de...

le 15 sept. 2014

11 j'aime

2

Du même critique

Athena
Redzing
7

Les Trois Heures du Condé

« Athena » semble avoir divisé son public. Entre ceux qui y ont vu enfin un film français flamboyant à la mise en scène ambitieuse, et ceux qui ont pointé du doigt un film vide de sens, destiné à de...

le 29 sept. 2022

33 j'aime

4

Sisu - De l'or et du sang
Redzing
7

Finnish him !

A travers cette histoire d'orpailleur vagabond harcelé par les Nazis, Jalmari Helander livre un hommage assumé au premier Rambo, dont il reprend la structure narrative. Ici, notre homme est un ancien...

le 29 mai 2023

23 j'aime

3

Le Dernier Mercenaire
Redzing
2

Et pourtant il l'avait prédit...

En 2001, alors qu'il fait la promo de "Replicant", Jean-Claude Van Damme est invité sur un plateau télé français. Il expose, dans un franglais plus ou moins cryptique, les principes de ce qui...

le 30 juil. 2021

18 j'aime

15