Grâce à Dieu par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Une étincelle, rien qu'une petite étincelle mal éteinte avec le temps, peut se réveiller. Le petit foyer est alors susceptible de prendre une extension aussi subite qu'inattendue car ce feu traumatise des personnes à tel point que d'atroces souvenirs restent gravés à tout jamais.
Alexandre qui habite Lyon, père de famille nombreuse, est un jour aussi stupéfié qu'ulcéré lorsqu' il découvre par hasard que le prêtre, Bernard Preynat, qui s'occupait entre autres des scouts de la paroisse qu'il avait fréquentée et qui lui avait fait régulièrement subir des attouchements sexuels dont il ne s'est jamais vraiment remis continuait à officier auprès d'enfants d'une autre paroisse en toute impunité.
Littéralement bouleversé, révolté et rattrapé par son lourd secret il se lance alors dans un combat contre ces faits impunis par la hiérarchie de l'Eglise. Elle ne pouvait ne pas savoir et gardait certainement bon nombre d'affaires de ce genre secrètes afin d'éviter de possibles scandales.
Le père de famille, rejoint très vite par François et Emmanuel, également victimes du prêtre, décide d'agir pour libérer la parole sur ce qu’ils ont subi et certainement bien d'autres au passé comme au présent.

C'est alors l'ébullition chez certaines victimes qui se font connaître petit à petit au gré des informations qui "s'égrainent" tout d'abord de façon plutôt diffuse. Mais l'affaire ne déclenche pas un vent de panique du côté du diocèse qui tente plutôt d'étouffer le problème en se contentant de paroles aussi confuses que bienveillantes. Cette affaire fait grand bruit lorsque les médias, à la demande des plaignants, se saisissent de l'affaire. Le Cardinal Barbarin, très timide sur ce sujet qu'il connaissait mais acculé par cette rumeur qui s'amplifie, accepte de recevoir une délégation toujours avec son obsession de cacher les choses car de plus en plus de prêtres sont mis en cause et l'Eglise commence à payer un lourd tribu.
Alors effectivement à ce moment par mégarde, lors d'une question au sujet des agissements du Père Bernard Preynat et de bien d'autres, la menace d'un dépôt de plainte est évoquée. A cet instant de la discussion le Cardinal Barbarin lance une réponse qu'il regrettera certainement toute sa vie: "“ Grâce à Dieu, les faits sont prescrits". Un mélange de stupeur et de colère saisit alors l'assistance qui à ce moment sait que les hautes instances de l'Eglise décident d'étouffer le problème.

Nous connaissons mieux maintenant la suite et les conséquences portées par ces actes inqualifiables. Elles sont terribles et désastreuses pour toute une communauté.
En effet lorsque ces douloureux souvenirs remontent à la surfaces grâce à quelques fidèles qui tiennent par dessus tout à leur croyance, à leur idéal, combien vont se sentir concernés, combien vont se sentir trahis voire dégoûtés face à l'attitude de leurs "guides" qui depuis des siècles cumulent conflits, guerres, luttes d'influence et pêchés mortels sans que les hautes instances n'interviennent esquivant les déviances par le "pardon" mais aussi par la peur d'étaler au grand jour les failles qu'il faudra bien combler un jour?
Il faudra également les combler pour se faire pardonner si c'est encore possible par ces croyants qui les ont adorés mais qui petit à petit perdent la foi en leur Dieu, ce Dieu qui pourtant est censé leur apporter l'amour envers les autres mais aussi bien d'autres choses pleines d'importance telles que l'espoir, peut-être la vie éternelle.Cependant lorsque l'on n'a plus confiance dans son "guide" on quitte la cordée. Les églises ferment faute de curé. Les cathédrales, quant à elles, bâties à la gloire du Seigneur par des gens qui bien souvent ont laissé par conviction et sans regret leur vie reçoivent de nombreux touristes comme moi mais très peu de fidèles.
Alors oui, il est temps de faire le ménage! Il est temps de réformer en faveur du mariage des prêtres, de l'accession des femmes à cette fonction. Pourquoi ne pas relancer la reconnaissance des "prêtres ouvriers" qui avait été tant décriée par le Vatican il y a des dizaines d'années? Pourquoi ne pas se repentir également de toutes ces erreurs commises depuis des siècles et passées sous un silence pesant? La repentance et même la pénitence sont incontournables dans une religion et il n'y a aucun déshonneur à demander le pardon afin de revenir sur les bases de la sainteté afin de reconquérir la foi de celles et ceux qui ont été meurtris dans leur choix et dans leur chair.
Voici donc en tant que athée mais respectueux des convictions de chacun ce que je pense de ce grave problème religieux mais humain car un serviteur de Dieu n'en est pas moins homme avec ses qualités, ses défauts mais aussi parfois ses déviances.
Je trouve donc que François Ozon nous propose une très bonne réalisation d'un drame dont le sujet est cerné avec beaucoup de précision et de conviction. Le piège de faire de ce film une diatribe antireligieuse a été évité ce qui contribue à la crédibilité des faits et des personnages.
J'ose espérer que cette réalisation en forme de témoignages de faits inqualifiables pourra faire avancer certains principes religieux. La religion doit apaiser, apporter l'espoir, elle doit aussi accompagner et non faire peur.

Box-Office France: 911 677 entrées

Ma note: 9/10

Grard-Rocher
9
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le 14 oct. 2023

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