Ultra dérangeant et jubilatoire à la fois, Grave ne peut laisser indifférent et ne fait aucune concession, au risque de perdre une partie de son publique en cours de route.
J'ai eu une petite appréhension avant visionnage, je l'avoue. Lorsqu'on annonce un film d'horreur franco-belge, qui plus est une première réalisation et à petit budget. Moralité, la prochaine fois je me méfierait plus des préjugés, ce film est bon, voir appétissant... heu, ouais blague de mauvais gout !
Admirablement bien réalisé, le film est très esthétique et adapte parfaitement la lumière, le jeu des couleurs et l'ambiance sonore à son propos. Il joue sur un sentiment d'oppression sans jamais être glauque, notamment avec beaucoup de scènes filmées de très prêt, comme la scène de danse devant le miroir, les plans dans le lit, sous la couette, dans les toilettes... ou en jouant avec de nombreux inserts (clé de la porte, nourriture...). Le suivi dynamique des personnages dans les scènes de fêtes est lui aussi cadré très serré. Les plans larges sont alors d'autant plus remarqués, qu'ils fournissent une bouffée d'air qui pourtant n'est qu'une illusion de retour à l'équilibre.
L’angoisse que véhicule le film est très intériorisé, malgré la brutalité des scènes les plus explicites qui ne sont jamais éludées. Mais ce qui force le plus l’admiration, c'est la profondeur du propos qui traite du passage à l'âge adulte, du rapport à l'animalité, de sexe, de tabou et d'interdit et bien sûr de cannibalisme. Les personnages secondaires de la sœur, des parents et du colocataire gay sont tous des catalyseurs vers les différentes facettes de la nature humaine. Le personnage principal, Justine, se métamorphose physiquement et psychologiquement avec l'avancée de l'intrigue. Elle est troublée par ce qui lui arrive, se questionne et essai de comprendre l'intensification des accès de violence. La jeune actrice, Garance Marillier est bluffante. Le petit être timide et vulnérable des premières scène laisse place à un caractère qui s'affirme de plus en plus. C'est une véritable performance, qui présage beaucoup de bonnes choses pour la suite de sa carrière.
Un quasi sans faute, pour une pépite brute totalement inattendue pour ma part. Grave est dur, difficile et malmène le spectateur, mais avec une telle virtuosité qu'on en redemanderait presque.