T'étais même pas sur le selfie, Fonfon.

Je le regarde dans mon salon, quelques heures plus tard il gagne 7 Oscars. Tu pourrais dire merci, Fonfon, genre j'y suis pour rien peut-être ? Non mais le mec ça y est il a mis George Clooney dans son film il parle plus à ceux qui lui ont permis d'accéder à BON ENFIN BREF.

Je le regarde dans mon salon pour vérifier que la magie opère toujours, parce que la grande question que tout le monde se pose est : oui, j'ai aimé, mais est-ce que j'aurais aimé en dehors de la salle de cinéma ? Eh bien, bienvenue dans cette critique (sauf toi là le gars au fond qu'a pas aimé, sérieux si tu viens pour vomir dans les commentaires que t'as pas aimé et que j'ai tort d'avoir aimé parce que ce film est vide comme l'espace je te répondrai même pas ok ? OK ? bon on peut commencer).

- JE NE FERAI PAS DE COMPARAISON AVEC 2001 L’ODYSSÉE DE L'ESPACE -

Je le regarde dans mon salon, mais attention, j'ai pris le soin d'éteindre les lumières avant de commencer le film (sauf la lampe art déco qui fait une lumière tamisée rouge, mais c'est parce que ma mère voulait pas que j'éteigne toutes les lumières parce qu'après ça fait trop mal aux yeux, ouais enfin résultat quand y a Sandra Bullock en tout petit avec des étoiles autour d'elle, ça aurait rendu beaucoup mieux sans cette lampe art déco hein maman ?). Je mets aussi le son bien fort, pas en 5.1 parce que j'arrive pas à régler le 5.1 sur mon ordinateur, mais je regarde le film en HD avec le son DTS donc c'est du faux 5.1 (parce que j'ai quand même 5 baffles et 1 caisson de basse hein, du coup le son est super, mais pas en 5.1, mais presque, en fait). Du coup on est comme au cinéma, c'est même mieux. Ah si, je vous jure, le son est aussi fort, voire plus. Et puis il y a une autre différence, mais j'en parlerai plus tard dans ma critique.

Pour l'instant, parlons de ma mère, ou plutôt de qui elle représente face au film (oui parce que ma mère et ses caractéristiques âge/poids/taille vous vous en foutez un peu je pense). Nous étions deux à regarder Gravity hier soir, moi je l'avais déjà vu au cinéma, elle non. Donc ma mère est en quelque sorte le cobaye, le témoin, le patient zéro, la seule personne en France qui ne l'a pas vu au cinéma et qui l'a vu sur sa télé hier soir.

Nous l'appellerons donc Régine pour préserver son anonymat.

Régine a failli partir durant la séance (je dis séance, comme au cinéma, vous permettez) à cause de l'angoisse du vide, des vertiges des plans séquences, de l'étouffement de l'obscurité. Je l'entendais souffler à la fin d'une scène de survie, libérée par toute la pression, comme si on ne pouvait respirer que quand Sandra pouvait respirer. Elle a même avoué qu'elle serait effectivement sortie de la salle si elle l'avait vu au cinéma, sacrée Régine. Une fois la séance terminée, elle a parlé des prouesses techniques mais de l'histoire bof, enfin bref je vous évite cette partie, l'avis de Régine c'est un peu l'avis de tout le monde sur SensCritique.

SensRégine. RégineCritique. Bordel j'essaie de trouver un jeu de mot rigolo mais j'ai rien qui vient là.

Maintenant place à mon ressenti. Comment vous dire, Gravity dans mon salon était sûrement LA surprise de l'année. J'avais vraiment très peur (vraiment.) du rendu sur ma télévision. Non mais vraiment. VRAIMENT. Vraiment vraiment. Et en fait j'avais oublié à quel point le rythme était bien géré et les images aussi percutantes. Vraiment.

La force de Gravity ne réside pas seulement dans un plan séquence incroyable, le premier plan du film, de toute façon ce plan séquence est un faux plan séquence, bah oui quand y a PLAN SUR CLOONEY - PLAN SUR LA TERRE - PLAN SUR CLOONEY AGAIN on sent bien qu'ils ont coupé, la Terre elle est pas réelle hein, c'est des effets spéciaux, non mais tu crois pas qu'ils ont vraiment filmé dans l'espace aussi ?! Donc ce plan séquence m'énerve, au moins celui des Fils de l'Homme est un vrai (ou presque, mais j'ai envie d'y croire). Alors là tu te dis, quoi, mais, Architrave (tu peux m'appeler Théo tu sais), si tu n'as pas été impressionné par ce plan de 1738962653 minutes alors comment peux-tu aimer Gravity ? Il y a d'autres qualités à Gravity ? Non sérieux fais pas le con Théo - alors déjà d'où tu m'appelles Théo, on se connait pas, ensuite je te permets pas de dire que je suis un con, tes insultes glissent sur moi comme si j'étais un miroir blablabla, et puis bien sûr qu'il y a d'autres qualités, t'es vraiment stupide.

Que ses plans durent une demi-heure ou vingt secondes chacun, Gravity est l'un des chefs d’œuvre les mieux filmés de toute l'histoire du cinéma. Un plan séquence n'est qu'un bonus. La caméra de Cuarón vole, flotte, tourne, avec une telle perfection que ça me donne envie de pleurer parce que je sais que quoi que je fasse dans ma vie, je n'arriverai jamais à filmer d'une telle manière. Les plans sont parfaits. Qu'ils soient des plans séquences, ce n'est qu'un bonus, je vous jure. La réalisation de Gravity est PARFAITE, et je pèse mes mots. La première fois dans la salle de cinéma, j'ai profité du film, la deuxième fois dans mon salon, j'ai regardé chacun des plans avec précision. Je n'ai trouvé aucun faux pas. AUCUN. PARFAITE. Ressortez-moi un seul plan qui n'est pas parfait (même le dernier plan du film, vous pouvez le détester pour ce qu'il représente (et je ne serai pas d'accord avec vous, mais je n'irai pas dans ce débat là), pourtant objectivement il est parfait), je suis prêt à le défendre.

Gravity n'est pas un effet de mode. Ce n'est pas qu'une prouesse technique comme le dit cette Régine, mais voyons, elle n'a aucun goût Régine, ne l'écoutez pas. Je fais partie de ceux qui pensent que la qualité des effets spéciaux influent sur la qualité d'un film, même si le scénario est mauvais. Si vous saviez ce que je pense profondément de films comme Transformers, vous arrêteriez de me lire à tout jamais. J'ai regardé avec insistance les ombres sur les combinaisons, les objets qui flottent... Et je n'ai rien trouvé de compromettant, encore une fois (ouais, je l'avais déjà vachement fait dans la salle de cinéma). Ça aussi, ça me donne envie de pleurer, parce que quand je n'arrive pas à trouver comment sont faits les effets spéciaux, je me trouve bête.

Les Oscars, eux, ils pleuvent, et ils sont mérités. Deux Oscars pour le son (d'ailleurs, meilleur MONTAGE son et meilleur MIXAGE son, quelqu'un m'explique ?), qui n'auraient pas pu aller à un autre réalisateur. Gravity oscille toujours entre l'immensité de l'espace et le confinement de la combinaison d'astronaute, et donc entre le silence infini et les bruits angoissants (une respiration haletante, un outil qui fait cling, un bouton qui fait bip, tout bruit de Gravity est angoissant). Même le silence est angoissant, en fait. Ce film est angoissant. Bordel ce film est tellement angoissant. Bref : le son est la meilleure arme pour faire remonter vos émotions et vous donner le vertige. Tiens, on filme Sandra dans sa capsule depuis longtemps, elle se met à crier, ON VA METTRE UN PLAN COMPLÈTEMENT SILENCIEUX EN DEHORS DE LA CAPSULE POUR BIEN FAIRE RESSENTIR LE VIDE FATAL DE L'ESPACE AUTOUR D'ELLE. Et Cuarón a fait son maximum pour exploiter cette angoisse : dès qu'il peut user de cet artifice pour montrer l'opposition infini/confinement, il le fait, et tant mieux, et ça marche.

En résulte un montage son de fou.
En résulte un montage tout court de fou.
En résulte une musique incroyablement liée au film, et donc liée à nos émotions.

En résultent tout plein de trucs qui s'harmonisent dans la perfection pour former Gravity.

Alors pourquoi ça a autant marché que ça ?
Trois raisons. La première, le son et l'image (même avec la lampe art déco allumée de Régine, oui). La deuxième, cette VO magnifique par rapport à la VF qu'on nous a servi au cinéma. La scène de l'aboiement est passée comme une lettre à... Non ok je ne finirai pas cette phrase je déteste cette expression. Mais vous m'avez compris. Et la troisième raison, LA PLUS BELLE RAISON QU'IL SOIT : dans mon salon, avec Régine, il n'y avait pas de popcorn pour me faire sortir du truc, ni de petits enfants énervants pour poser des questions débiles (vraiment, ce bon gros "elle est morte là ?" il restera dans mon cœur pour toujours, petit diablotin que je veux égorger). Le cinéma, c'est bien, mais seul. Ou avec Régine.

Le revisionnage, c'était l'angoisse de sentir l'angoisse arriver.
Pendant les dix premières minutes, je savais qu'une explosion était pour bientôt, et j'étais stressé. Dans la station Soyouz, pareil, ce qui est très stupide, parce que je sais si elle survit ou pas à la fin, mais il parait que je rentre trop dans les films, demandez à enilua ou claire-marie. Ou Régine. Qui l'eût cru, revoir Gravity était donc mieux que voir Gravity.

J'ai eu peur que ça ne fonctionne pas. Je n'aurais pas dû, parce que Gravity est réalisé à la perfection, parce que le son et le montage sont superbes, parce que les effets spéciaux défoncent tout, parce que pour la deuxième fois de ma vie je me suis retrouvé dans le vide intersidéral, et que c'était parfait, mais j'ai vraiment pas envie d'y retourner. Aaahh, les paradoxes de l'espace.