Flash, lumière, trompettes, tadada. Dieu, jusqu’ici, c’était une histoire d’opinion et de point de vue pour moi. Un artefact non obligatoire, mais dont je comprenais l’importance pour la construction d'autres personnes, un luxe pour simplifier le schéma de l’Univers, de la vie et de tout le reste. Une astuce pour évacuer la nécessité de maîtriser des sciences physiques et mathématiques à haut niveau, celles-là mêmes qui confèrent ses pratiquants à l’autisme lors de leurs colloques, pour expliquer l’existence des étoiles et tout le bazar qu’elles ont engendré. Ouais, jusqu’ici, Dieu, ça n’était pas pour moi. Jusqu’ici. Voyez-vous, j’ai changé d’avis. Non pas parce que mon récent passage à la trentaine me rapproche d’une mort inéluctable et qu’il serait temps pour moi de sauver mes fesses comme mon âme. Non, c’est parce que je l’ai rencontré. Hier soir, j’ai assisté à un miracle, à une naissance, j’ai tutoyé les anges et j’ai pleuré devant la beauté du monde. Hier soir, j’ai été voir Gravity.

Parler de Gravity, c’est être témoin de l'ouverture de la Mer du Silence par Alfonso Cuaron, le regarder descendre du ciel avec les Tables de la Loi du Cinéma. C’est une expérience hors du commun, dont les portées cinématographiques et philosophiques dépassent de loin tout ce qui a pu se faire dans le domaine, venant se placer immédiatement à la droite de 2001 l’Odyssée de l’Espace et taper la bise à Kubrick au passage. Messie du plan-séquence, prophète de toutes nouvelles technologies et façons de filmer, prêtre d’un humanisme profond, Alfonso Cuaron livre une oeuvre incroyable, d’une beauté à couper le souffle, d’une intensité rarement atteinte. La tête dans les étoiles, on perd pied, on flotte littéralement en compagnie de Sandra Bullock (qui décidément joue correctement quand elle est justement dirigée) et de Georges Clooney. On s’inquiète pour eux, tremble avec eux, on est terrifiée à l’idée de se retrouver priver d’air, de repères, de se perdre dans l’immensité glaciale de l’espace, de se noyer dans le silence et de disparaître, purement et simplement. Incroyablement bien écrit et mené, le rythme ne retombe jamais, la pression, constante. Le réalisateur nous laisse tout aussi désarmés que ses personnages, fait naître une empathie intense pour eux en jouant sur des sentiments basiques, mais forts, sur des peurs qui ne sont rien de moins que celles propres à tout humain, à toute l’humanité.

Il fait d’un accident dans l’immensité du vide la genèse même de l’histoire humaine, l’aventure de la Vie là où celle-ci n’est pourtant pas possible. Il la met en scène, du choc violent de ses origines à la douleur de sa délivrance, de son cheminement dans la peur et le courage, dans la solitude et l’amitié, dans la persévérance et la folie. Gravity, ça n’est pas que de la Hard Science Fiction. C’est une putain de déclaration d’amour, une œuvre hallucinante qui n’a pour ambition que de porter à la vue et à la connaissance de tous la beauté et la préciosité de la Vie. La plus grande épopée sur celle-ci depuis le Roi Lion et qui m’a fait pleurer à plusieurs reprises. Certes, c'est simple. Mais d'une belle simplicité, celle qui met la beauté à portée de tous, une simplicité qui n'a rien de populaire, rien de sale ou de basique. Cette simplicité, c'est celle des belles choses que tout le monde peut apprécier, que tous peuvent comprendre et appréhender. Gravity est un film se destinant à tout le monde, et pas seulement à ceux qui seraient à même de le comprendre. Un message, une déclaration d'amour à destination de tous.

Deux millénaires à se demander comment Notre Père, ou la Nature, avait pu façonner les Hommes, les penser, les créer. Deux millénaires à se déchirer sur ces questionnements, à débattre, à s’égarer en palabres et élucubrations, et en moins de deux heures, Cuaron nous apporte la réponse à l’aide de sa seule caméra et de son génie.

Hier soir, j’ai assisté à un miracle. Hier soir, j’ai pleuré devant la beauté du monde. Hier soir, j’ai vu Gravity, et, quelque part, à travers l’œil de Cuaron, j’ai touché l’œuvre de Dieu du bout des doigts.
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le 26 oct. 2013

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