Gunda
6.8
Gunda

Documentaire de Viktor Kossakovsky (2020)

Gunda est un film qui invite à la rêverie. C'est un espace-temps offert pour flâner, et en cela, le documentaire devient intéressant, malgré (grâce à ?) ses longueurs et son hermétisme.


Documentaire... Est-ce le bon mot pour désigner Gunda ? Oui, le film "documente" la vie d'une laie et de ses cochonnets, de deux ou trois poules, d'un troupeau de vaches. On les épie, ils captent notre regard. Le réalisateur nous offre des images d'eux, vivotant : les cochonnets tètent leur mère, essaient d'atteindre une de ses mamelles en se marchant dessus. Dès fois la nature animale se veut violente, et la maman écrase son petit de tout son poids sans réaliser son acte, dans une scène très violente. Sinon, la vie s'écoule tranquillement, la volaille se déplace, une d'entre elles aidée d'une seule patte. Les génisses (et un taureau) courent, puis regardent la caméra l'oeil triste, les mouches virevoltant autour d'elles.


Ce n'est pas non plus du cinéma pédagogique sur la vie à la ferme. Il n'y a quasiment pas de plans larges. Ceux-ci surprennent d'ailleurs quand ils surgissent. Nous sommes avec les bêtes, en gros plan, on longe la terre, les herbes, on est à côté d'elles, près de leurs corps, dans leur environnement sonore. Si l'intention générale de Viktor Kosakovskiy est un peu floue, sa volonté d'accentuer le bruit face à la tranquillité des images s'entend. Les gorets couinent, les mouches bourdonnent, les vaches meuglent. Les cris des animaux percent cet univers dit "muet", au point d'en devenir parfois lourd et harassant.


S'il fallait ranger Gunda dans une case, on dira que c'est une oeuvre de poésie. Ce film est beau, ces plans (longs) sont splendides : ce taureau qui nous regarde, l'intelligence qui se reflète dans les yeux de cette mère cochonne, ses poules qui déambulent dans les herbes hautes comme des soldats, à l'affut du moindre bruit. Par contre, le rythme du film est assez lent, et c'est un euphémisme, même si du mouvement vient dynamiter l'intérieur du cadre. Heureusement, le réalisateur n'esthétise pas à outrance son sujet et n'abuse pas de ralentis (un plan me vient à l'esprit, celui de la course des vaches sortant de l'établi).


En regardant Gunda, c'est un combat qu'on engage. Il faut lutter : contre la fatigue, contre l'ennui, la lenteur, l'excès de mignonnerie d'un goret, la tentation de parler aux animaux dans notre tête. Et puis, soudain, il faut lâcher prise. Ne plus penser au film. (Re)trouver du sens. Se dire que c'était peut-être cela, l'intention de l'auteur, permettre de se reposer du vacarme urbain ambiant, 1h30 à la ferme, sans même à avoir à se déplacer. Un temps de flânerie, où l'on peut s'enamourer d'animaux sans subir les désagréments d'une visite réelle (les odeurs, le bruit, la saleté).


Bienvenue à la ferme en ville, semble nous dire le réalisateur. Vous y serez bien, et les cochonnets y sont bien traités. Avant d'être envoyés à l'abattoir, au plus grand désarroi de leur mère, qui semble perdue, désorientée, seule, lors de ce dernier long plan (le seul plan à l'allure d'une revendication pour la cause animale et le végétarisme) venant clore le film.

Cambroa
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le 1 sept. 2021

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