Des années que la version d'Halloween de Rob Zombie m'attendait patiemment; des années que je ne trouvais étrangement pas la force de la regarder, comme si je m'attendais finalement à un carnage visuel répugnant. Ce côté mystique que je lui avais assené, presque de l'ordre du sacré, s'est très rapidement effondré : la première partie, entre une demi heure et une heure, passée laisse sa place au véritable remake, plus tourné vers le bourrinage, l'action, le débile efficace mais d'une banalité inattendue.


Parce que Rob Zombie faisait jusqu'ici preuve d'une originalité salvatrice dans sa manière de traiter le personnage, cette seconde partie n'apporte rien à l'oeuvre, à part lui enlever toute la force évocatrice de ses thématiques : l'enfance de Myers, construite autour de masques qui lui servent de séparation protectrice du monde, est un calvaire propice à l'horreur que le réalisateur gère à merveille, notamment parce qu'il l'allie à son univers personnel si dark et torturé.


Construite sur un désir sexuel non différencié de la pulsion meurtrière, cette enfance mêle érotisme et horreur au travers d'une folie qu'on pourrait presque palper, mise en image avec un style très pertinent : les effets clipesques trouvent ici leur sens dans la vulgarité de la vie de Myers, dont les parents, véritables raclures, ne lui portaient guère d'attention, et dont la soeur, considérée comme un stéréotype de débauche, donna lieu à sa combinaison d'envie de meurtres et d'amour.


Toute l'importance laissée au masque est vue ici comme un exutoire à son enfance répugnante : il les portera à présent pour qu'on ne reconnaisse plus le fils de cette famille de dégénérés, pour qu'on ne l'associe plus à ceux qui incarnaient les travers vicieux de la société. Le fait qu'il les crée fait qu'il crée à présent son identité, qu'il se donne une singularité autre que d'avoir appartenu à sa famille : Michael Myers s'est éteint pour laisser la place à sa personnalité véritable, un être mutique presque en dehors de l'humanité, du moins avec laquelle il ne partage pas beaucoup de traits communs.


C'est là qu'il sort de l'hôpital, et que survient le véritable sujet du film : c'est un remake, et en tant que remake, il doit respecter ce qui a fait la réputation du film de Carpenter, notamment sa fin haletante et son horreur novatrice. Il ne sera bien sûr pas question ici de faire du neuf : si Zombie l'avait fait au départ, ce n'est clairement plus le sujet. L'idée est de virer dans une horreur revisitée, en adéquation avec les codes actuels d'ultraviolence, de comportements idiots des personnages, de sadisme trop élaboré pour un personnage à peine capable de penser (il arrivera le même problème avec le remake de Vendredi 13 de Marcus Nispel).


Si l'on regrette au bout de cinq minutes les dialogues et réflexions inspirées de l'asile (tout est ici matière à caractériser ses personnages n'importe comment, à leur faire dire n'importe quoi, comme si le but était de les faire passer pour des abrutis congénitaux), cette incursion dans la banalité typique des films d'horreur des années 2000 impose trop de codes à un film qui jusqu'ici les détruisait habilement, notamment en donnant du relief, de l'humanité (d'une certaine mesure), de la profondeur à un personnage qu'on juge depuis le premier film comme inhumain et purement monstrueux.


Personnage insensible que cette deuxième partie le fait redevenir, envoyant valser le développement de la première heure sans qu'elle n'ait eu de véritable impact sur l'intrigue et les nouveaux personnages : Myers, redevenu la créature iconique qu'on a connu durant trop de films, perd tout intérêt à se concentrer sur lui, lui qui n'a plus du tout de personnalité et n'est plus vu que comme le méchant de l'histoire, celui qui suivra exactement le même déroulé que la version de Carpenter.


Passé la surprise de l'enfance, il ne reste d'Halloween qu'un film certes très efficace, emprunt de rock et de métal (cela rend bien dans l'univers), mais qui ne réinvente rien, alors qu'il promettait de partir dans une toute autre direction. Le conformisme de sa dernière heure couplée à sa bêtise et à son manque de surprises le range du côté des remakes ni ratés ni réussis, des oeuvres au potentiel avorté qui mériteraient une mise à jour sans droit de vue de la part des studios.


L'espoir pour sa suite reste sauf.

Créée

le 18 févr. 2020

Critique lue 105 fois

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FloBerne

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