Quel que soit le bout par lequel on prendra cette saga ayant rattrapé « Vendredi 13 » en terme de nombre d’opus (le prochain sera le 13ème et en fera donc la franchise la plus productive du genre), il nous sera difficile de nier le pouvoir de fascination qu’elle ne cesse de produire depuis maintenant plus de 40 ans d’existence. Parce que à force de faire toujours revenir ce bon vieux Michael Myers, en dépit du bon sens, et au gré d’une timeline sans cesse chamboulée selon le bon vouloir des scénaristes, et ce qui les arrange sur le moment, ce dernier a certes perdu de son aura de base, cette terreur indicible du Mal autrefois humain perdu dans une nuit sans fin, nous pourchassant où que l’on se cache, pour devenir cette machine à tuer littéralement indestructible, toujours aussi charismatique et iconique, mais tellement éloigné de toute sensation humaine que l’on ne voit plus à l’écran qu’un monstre de cinéma de l’ordre du surnaturel. Cependant, malgré les aberrations conceptuelles dont aura régulièrement fait preuve la saga, le public est toujours au rendez-vous, avide de nouvelles exactions du monstre mythique, et toujours curieux des nouvelles circonvolutions scénaristiques.
Le film précédent faisait donc table rase de tous les opus s’étant succédé depuis le film matriciel de Big John (auquel hommage est rendu ici à travers un nom de personnage, détail plutôt amusant), petite astuce opportuniste déjà exploitée à l’époque de « Halloween, 20 ans après », à travers donc une suite / reboot tant à destination des fans que de la nouvelle génération. Une opération gagnante puisque le film cartonne plus que tout, et qu’il semble donc évident que Myers ressuscitera donc un bon paquet de fois encore. Si le film avait des qualités certaines (meurtres brutaux et inventifs, un Michael superbement mis en valeur, un ton premier degré salvateur et une photo magnifique), il restait trop révérencieux envers son modèle, incapable malgré les beaux discours de ses instigateurs de trouver une voie un peu personnelle qui aurait justifié réellement la mise en place d’une nouvelle franchise, chose un peu difficile à avaler lorsqu’on nous rabâchait à longueur d’interviews qu’il s’agirait de la seule vraie suite de l’original, comme si les autres opus ne valaient rien, alors même que certains d’entre eux étaient tout à fait honnêtes (notamment « 20 ans après », justement). Bref, un petit film d’horreur vaguement old school qui pouvait faire plaisir par certains aspects aux fans les plus conciliants, mais dont il était difficile d’imaginer qu’il puisse donner lieu à 2 suites, ce qui est pourtant le cas.


Et cette problématique de la pertinence d’une éternelle suite à une saga essorée de toutes parts pendants des années semble avoir clairement traversé l’esprit de ses scénaristes, puisque cette suite commence donc par un long flash back de 1978 servant avant tout à réintroduire des personnages survivants du premier, et à donner un nouvel éclairage à certaines séquences, pour nous faire comprendre certains aspects restés irrésolus. Seulement si revoir certains personnages clé interprétés par d’autres acteurs (dont un Loomis plus vrai que nature, sans doute aidé par le numérique), pourra peut-être provoquer quelques petits frissons chez les fans de la première heure, difficile de nier que cette introduction laborieuse semble déjà tâtonner, comme si scénaristes et réalisateur ne savaient comment réellement débuter cette nouvelle histoire. Et le film dans son ensemble sera régulièrement parasité par ces retours dans le temps, au point parfois d’embrouiller et de donner une impression de bordel scénaristique partant littéralement dans tous les sens.
Variant les tonalités, pas forcément de manière consciente, le film passe de la violence brutale (double meurtre très cruel de deux vieux chez eux, dont l’homme prend vraiment très cher sous les yeux de sa femme agonisante), à des dialogues rabâchant des banalités sur la figure maléfique de Myers, nous ramenant aux heures les plus piteuses de la saga, lorsque ce bon vieux Donald Pleasance ne cessait de répéter à chacune de ses apparitions à quel point Myers était le Mal absolu.


Et l’on subira également des tunnels de dialogues se voulant psychologisants, mais tellement mal écrits que l’on se retrouve réellement embarrassés pour les pauvres acteurs, parfois pas si mauvais, mais qui ne peuvent s’en sortir avec des dialogues si ineptes, le pire étant bel et bien lorsque Laurie Strode (15 minutes maxi sur tout le film) va se mettre à paraphraser tout ce que le film et la saga nous auront bien fait comprendre depuis bien longtemps, le clou étant cette fin totalement bouffonne où le Mal increvable se lance dans une véritable boucherie, annihilant quasiment tout le casting d’un coup, pendant que Laurie se lance dans un monologue sur Myers. Non seulement ces lignes de dialogues ne font que ressasser les mêmes inepties que l’on entend depuis trop longtemps, mais plus fâcheux, ils entrent carrément en contradiction avec l’état d’esprit du personnage le reste du film, qui répète que tout doit se finir la nuit-même, que ça se passera entre elle et Myers, alors même qu’elle a bien conscience de ne pouvoir en venir à bout. Quel est donc l’intérêt de le ressusciter éternellement en tentant laborieusement de créer un suspense inexistant, vu que ce dernier sera toujours omniscient, là où l’on s’y attend le moins. Courez, pauvres fous, il vous rattrapera toujours.


Ajoutons également une volonté cette fois plutôt heureuse d’incorporer des idées plutôt bien vues, sur la notion de meute, ici personnifiée par les habitants de Haddonfield, formant une milice prête à en découdre avec le Monstre, sous l’impulsion de Tommy Doyle, interprété par un Anthony Michael Hall plutôt bon. Un aspect du scénario certes pas forcément bien amené et semblant se fondre difficilement dans l’histoire générale, mais qui sur le papier était une vraie bonne idée, le Monstre indicible incarné par Myers rencontrant un miroir à travers la violence originelle des Etats-Unis, symbolisée par cette milice se servant du prétexte d’abattre un Mal pourrissant sa communauté, pour se vautrer dans une violence aveugle, accentuée par l’effet de meute, les gens se transformant littéralement en zombies incapables de réflexion, et donc de se rendre compte que la personne qu’ils poursuivent ne peut être Myers. Ce qui était donc la seule raison pour réintroduire l’un des forcenés évadés dans le film précédent en même temps que Myers, et trouvant ici une issue inéluctable plutôt touchante, son regard perdu contrastant avec celui totalement vide de Myers, que l’on aperçoit plein cadre une ultime fois sur la dernière séquence saisissante. Si cet aspect était donc plutôt bienvenu sur le papier, son exécution sombrera malheureusement dans l’excès, ce qui est vraiment décevant au vu de la puissance évocatrice de l’idée résonnant de manière troublante avec certains faits survenus aux Etats-Unis depuis la fabrication du film, comme l’invasion du Capitole par les partisans de Donald Trump. Une petite valeur politique, dont on peut certes questionner la légitimité dans un slasher pour le reste aussi primaire, mais qui pour le coup donne tout de même un petit plus non négligeable pour rehausser quelque peu un ensemble si bête et convenu.


Ne soyons point trop amers néanmoins, le plaisir de voir sur grand écran un slasher à l’ancienne généreusement violent (pas au point des Zombie, tout de même, n’exagérons rien), ainsi que l’iconisation de Michael, plus inquiétant que jamais, faisant leur petit effet, sur le moment, en dépit des grossières errances scénaristiques, ne débouchant que sur du vide. Malgré la frustration d’un film réellement chaotique, presque malade (pas dans le sens sacrifié, mais malade de ses ambitions), on attendra le prochain (et dernier ? ahah), avec une saine curiosité. Celui-ci se déroulera 4 ans après les évènements des deux premiers, et introduira le covid dans l’histoire. Autant dire que l’on est déjà impatients de savoir pourquoi Myers aura attendu tout ce temps pour sortir de son hibernation. A suivre donc.

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le 21 oct. 2021

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micktaylor78

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