Long très long. Lent très lent. Ce n'est pas que je n'aime pas la lenteur au cinéma, mais à ce point.


Andrea Pallaoro a voulu montrer le quotidien vide, désolant d'une Hannah sidérée par l'emprisonnement de son mari.
Je l'ai compris assez vite. je l'ai accepté. Mais j'aurais aimé tout de même en savoir plus sur cette femme, leur vie à deux avant, les faits qu'on reproche à son mari, les causes de la rupture avec son fils.


Certes, il est intéressant de ne montrer que le point de vue de cette femme, de donner à voir sa souffrance, son quotidien bouleversé, mais là, c'est le vide inter sidéral et ce qui me gène est que ce vide est érigé en dogme.


J'ai trouvé une scène très intéressante au milieu de ce vide : celle où Hannah s'effondre en pleurs dans les WC publics, juste qu'elle après qu'elle ait tenté de rendre visite à sa famille pour fêter l’anniversaire de son petit-fils (elle apporte un gâteau qu'elle a confectionné elle-même avec une grande application). Mais cette visite, cette fête, son fils la lui refuse violemment, avec un ton plein de reproches.
Ce "Non , maman, laisse nous tranquilles" est terriblement glaçant. Quelle mère aimerait l'entendre ?


On sent un passif lourd, extrêmement lourd, qui a heurté tout le monde au sein de cette famille.
Qui en est responsable ? On ne sait pas vraiment. On sait juste que cette mère souffre atrocement de cet éloignement d'avec les siens.
Or, même ses pleurs, même ses larmes n'arrivent pas à sortir. Comme si elle faisait l'exercice que sa professeur de théâtre essaye d'enseigner à ses élèves pour qu'ils expriment au mieux les émotions par des mimiques et des cris, et qu’elle n'arrive précisément pas à les exprimer.
La douleur, la stupeur, la sidération sont t'elles trop fortes ? On peut le supposer.


Il y a également une scène assez surprenante, qui m'a interrogé en tout cas, c'est celle où elle coupe les pistils des fleurs de lys dune bancheur éclatante. Pourquoi équeute t'elle ainsi les symboles de la virginité ? On dirait une castration symbolique et c'est assez saisissant. Je ne sais pas si d'autres auront eu cette explication psychanalytique (je n'ai encore lu aucune critique sur ce film, car je ne les lis qu'après avoir écrit les miennes en général, ceci afin de livrer mon sentiment brut, sans me laisser influencer).
Elle exécute ces gestes de façon froide, quasi autonomique. A t'elle l'habitude de le faire ?


De façon générale, elle fait les choses froidement, comme si elle cherchait à se protéger de ses émotions intérieures. On la sent toutefois très perturbée. Elle cherche à se protéger, de la lumière en fermant ses stores, du regard des autres. Elle a des moments de stupeur, d'angoisse dans son lit le soir.
Parfois, la situation l'étouffe, comme quand elle demande à quitter son cours de théâtre, en peine répétition, pour pouvoir respirer, ou quand elle demande à partir plus tôt à sa patronne pour pouvoir prendre l'air.


Il n'y a qu'avec ce petit garçon, qui semble autiste qu'elle retrouve une certaine douceur (elle lui caresse les cheveux et le visage tendrement).
On se demande bien pourquoi elle en a la charge. Pour occuper son existence si vide ? Par passion ? Pour gagner de l’argent, maintenant sans doute que ses revenus ont baissé ?


En tout cas, elle cache, elle se dissimule et c'est le constat d'une grande solitude que cette femme déjà âgée qui fort, heureusement a le théâtre dans sa vie.


Justement ce qui est curieux et amène de l’essence au film, est qu'on ne sait jamais au début de certaines scènes si on est dans une répétition de son cours de théâtre ou si on est dans la vraie vie. Le réalisateur se joue de cette confusion et c’est assez intéressant. On s'y trompe quelques fois. Qu'a t'il voulu nous monter à travers cela ? Que la vie de cette femme est un théâtre ? qu’elle a joué un jeu qui n'était pas elle, pendant des années ? A voir la distance qu'elle a avec son mari et en même temps une certain tendresse, on peut se le demander.
A moins que ça ne soit lui qui ait joué un mauvais jeu avec elle ? En tout cas, elle cherche encore relativement à le protéger à travers les mensonges qu'elle lui raconte a propos de leur petit fils (rare scène de dialogue entre les deux époux dans le film). Encore le jeu du mensonge ? Ce mensonge qui a du ronger leur couple et qui l'a conduit lui, tout droit en prison, et elle seule, pour terminer sa vie.


Il est frappant de constater que les scènes de théâtre qu'elle répète avec un partenaire chez elle, dans sa cuisine parlent de rupture amoureuse. A t 'elle regretté de ne pas avoir quitté son mari ?


J'ai été heureuse de retrouver Charlotte Rampling, une actrice que j'admire beaucoup et qui à travers l'âge, a conservé une allure incroyable, une classe naturelle tout à fait hors du commun.
Elle est totalement Hannah que l'on plaint, que l'on regarde également comme un animal curieux, et que l'on admire tout autant pour sa force et sa droiture.
C'est finalement ce contraste entre la force de ce corps (que l'on découvre en intimité sous la douche de la piscine), et ce visage parfois perdu qui nous inspire de la peine que je trouve le plus puissant dans ce film. C'est donc un film en contraste, moins monobloc qu'il n'y parait au premier abord.
Ce contraste existe si fort entre la violence qu'a Hannah par moments (avec les fleurs, ou quand elle nourrit de force son chine si malheureux de la disparation de son maître) et sa douceur, voire sa fragilité à d'autres instants.


Finalement, pour un film qui prônait le néant, je me rends compte qu'il y a énormément de choses à dire dessus (pour preuve, la relative longueur de ma critique).


Ce fait va t'il me faire changer d'avis ? J'attends de voir.
En attendant, ce dernier ressenti m'inspire le titre de cet avis et m'incite à garder un note légèrement plus haute que la moyenne, de 6.

Créée

le 24 févr. 2019

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