L'excellent "Harakiri" nous transporte au début de la période d'Edo au Japon (XVIIe siècle). La paix imposée par le shogun jette de nombreux samouraïs au chômage. Pour survivre, ces rōnins (samouraïs errants) deviennent maîtres de sabre, vagabonds, voleurs... Le rōnin Hanshiro Tsugumo se présente au château du clan Li. Réduit à la misère, il cherche un lieu adéquat pour pratiquer le seppuku, un suicide rituel. L'intendant le soupçonne de chercher du travail, non la mort. Il réplique qu'il pourrait le prendre au mot et ne pas lui proposer un emploi... Alors le samouraï raconte son histoire.
Le film emboîte avec brio une série de récits gigognes. La salle de réception du clan Li se transforme en une scène de théâtre et de tribunal, où les récits s'entrecroisent et s'affrontent. Et dans cet écrin d'apparat, une tragédie existentielle déroule ses anneaux vénéneux. L'enjeu est une question de vie et de mort, de brève survie pour les vaincus au nom d'un code d'honneur, le Bushido,. Quand les sabres tournoient au-dessus des têtes avant de s'abattre, prendre la parole et raconter sa vie repousse la mort. Du choc des discours contradictoires, des étincelles de vérité jailliront.
Entremêlant le passé et le présent, la confrontation entre Tsugumo et l'intendant est d'abord verbale. L'intendant accuse le jeune Motome Chijiwa, venu le voir pour un suppuku, d'être un lâche, un profiteur. En réalité, il convoiterait un poste dans le clan Li... Motome demande un délai de trois jours avant de s'ouvrir le ventre, mais l'intendant refuse brutalement, lui impose un suicide horrible.
Tsugumo raconte alors sa vie et nous comprenons peu à peu que des motifs cachés l'animent. De sa voix caverneuse de prophète, il révèle des secrets très dérangeants pour le clan Li... Par la ruse, il confronte ses auditeurs à leurs fausses valeurs. Le sabre parachève ensuite la démonstration... Derrière le courage, l'honneur, la loyauté et l'honnêteté se cachent l'orgueil de caste, la lâcheté, la mesquinerie et l'inhumanité... L'armure vide du clan, le trésor du clan Li, se révèle n'être que l'idole creuse d'un code d'honneur anachronique.
Désespéré par la mort de ses proches, Hanshiro Tsugumo fait son dernier examen de conscience, fouille les profondeurs de l'âme des samouraïs. L'enfer déjà l'appelle. D'une voix sépulcrale, d'outre-tombe, il se redresse, réclame justice. Tel un corbeau de mauvais augure, il veut revenir hanter les nuits des samouraïs de ses croassements lugubres. Il retourne sur le grill et met à la question leur conscience : "Où est l'honneur ?"