J’ai été très surpris de découvrir qu’Hardcore Henry allait sortir en France, moins d’un mois avant que ça n’arrive.
C’est un film dont j’avais financé la post-production par crowdfunding. J’étais intrigué par le concept d’un long-métrage d’action entièrement en vue subjective, et puisqu’il avait déjà été tourné, il y avait sur la page du projet une première vidéo, en plan-séquence, tellement impressionnante qu’elle a fini de me convaincre.
Alors forcément, j’étais enthousiaste à l’idée de voir ça sur grand écran, chose que je n’espérais pas à l’époque du crowdfunding, même si évidemment c’est la meilleure façon d’expérimenter une œuvre pareille.
Etonnamment, peu de cinémas projetaient le film, et je l’ai vu dans une petite salle.


Le point de départ est très simple : le héros, Henry, a perdu un bras et une jambe dans des conditions inconnues, mais il est ramené à la vie, à la manière de RoboCop. C’est pratique d’avoir une femme scientifique, qui lui remplace une bonne partie du corps par des éléments bioniques, qui lui procurent une force et une résistance surhumaines.
Mais à peine l’opération est-elle finie que débarque le méchant, un homme aux pouvoirs télékinésiques, qui cherche à se servir de la technologie appliquée sur Henry pour se créer son armée. On voit très peu cet antagoniste dans le film, qui semble à la tête d’une grande industrie sans qu’on sache exactement de quoi il s’agit. C’est un des problèmes du concept, qui fait qu’on reste tout du long dans la peau d’un seul personnage. Le pouvoir du méchant semble donc surtout un moyen facile de ne pas en faire un personnage trop générique.
L’univers en lui-même n’est pas bien plus développé, on ne saura pas d’où sortent tous ces éléments SF, qui amènent en tout cas des idées sympas, comme ces clones aux personnalités variées.
En fait, tout n’est qu’au service d’une seule chose : l’action.
D’ailleurs, les évènements s’enchaînent à une cadence absurde, totalement dépourvue de réalisme, parce qu’il ne faut pas s’ennuyer un instant. Quitte à abuser des "bugs" visuels d’Henry, pour faire passer des jump-cuts.
Mais le rythme rend le film très prenant, la soudaineté de ce qu’il se passe apporte une certaine imprévisibilité, et les changements de cadence sont bien dosés, de sorte à créer des effets comiques.


Pour ce qui est du principe de la vue subjective en lui-même, la qualité du résultat est inégale.
Il y a quelques scènes où le procédé crée une réelle immersion, notamment lors de cette fusillade en intérieur, qui n’a rien de vraiment spécial dans sa chorégraphie, mais est dotée d’une réelle tension parce qu’on voit (ou ne voit pas, justement) les mêmes choses que le héros.
Mais ce gimmick ne permet pas toujours de se sentir au plus près du personnage ; pour faire référence aux jeux-vidéo par exemple, je me suis jamais senti aussi impliqué dans un jeu qu’avec Hotline Miami, où l’on suit le héros en vue zénithale. Comme quoi…
Peut-être, concernant Hardcore Henry, est-ce notamment parce qu’il n’y a pas moyen d’y avoir de l’ironie dramatique ; on voit et on sait les mêmes choses que le héros éponyme, et donc à aucun moment on ne le sait en proie à un danger qu’il ignore. Il y a aussi peut-être le fait que le héros soit aussi inexplicablement invincible, même face à des hommes censés être aussi puissants que lui.
C’était une bonne idée toutefois de priver Henry de sa voix ; ça imite le concept du jeu vidéo et évite de distancier le spectateur du héros.
Bon heureusement, l’intérêt du concept n’était pas uniquement l’identification, mais surtout la performance.
Certaines séquences d’action sont très maîtrisées, réellement impressionnantes. Il y a des plans dont j’ignore comment ils ont pu être filmés, même en filant le casque-caméra à des cascadeurs.
Malheureusement, d’autres séquences sont très brouillonnes, surtout celle dans le bordel où c’est… le bordel, justement. D’autant plus que l’éclairage y est principalement rouge, une couleur qui retire des détails à l’image, déjà qu’on sent le reste du temps le manque de définition des caméras GoPro utilisées.
Hardcore Henry comporte malgré tout suffisamment de moments de violence frontale et inventive pour faire rire régulièrement.
Et le final est d’un gore des plus réjouissants.


Je suis un peu déçu par le film dans son ensemble. C’est très stupide par moment, vraiment beauf parfois même, mais ça encore c’est excusable. J’attendais de l’action bien chorégraphiée et bien cadrée de bout en bout, or ça doit n’être le cas que la moitié du temps. Enfin je me dis que pour un premier film comme ça, c’est un bon début, si jamais d’autres se mettent à imiter le concept.
Hardcore Henry est quand même fun, assez brutal, mais j’en attendais plus.


http://www.mediumscreen.com/2016/04/critique-hardcore-henry-dilya-naishuller.html

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le 17 avr. 2016

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Wykydtron IV

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